Saisine du Conseil constitutionnel en date du 9 décembre 1999 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 62, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 99-422 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°302 du 30 décembre 1999
Date de publication30 décembre 1999
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000214045

Saisine du Conseil constitutionnel en date du 9 décembre 1999 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 62, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 99-422 DC
NOR: CSCL9903871X
LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2000
I. - Sur l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale
La loi de financement de la sécurité sociale a été adopté aux termes d'une procédure non conforme aux dispositions claires et impératives de l'article LO 111-7 du code de la sécurité sociale, fixant à la fois un délai et la procédure que devra suivre le Gouvernement en cas de dépassement dudit délai. Ne sauraient être retenus, pour atténuer la portée de ces dispositions les arguments suivants :
- Le Sénat serait mal fondé à souligner l'inconstitutionnalité d'une procédure législative au motif du non-respect de délais qui protègent l'Assemblée nationale, et non le Sénat. Or, en ne respectant pas les délais du Sénat, le Gouvernement a réduit le délai dont disposent constitutionnellement les deux assemblées aucours de la procédure législative.
- Le non-respect des délais prévus pour chaque assemblée du Parlement ne saurait être invoqué dès lors que le délai global de cinquante jours fixé par l'article 47-1 de la Constitution a été respecté. Mais, d'une part, la loi organique n'a pas prévu que seul le délai global était impératif. D'autre part, les délais propres à chaque assemblée ont notamment été fixés pour permettre le respect du délai global : on ne sait qu'a posteriori que le délai global a été respecté. Enfin, la fixation de délais impératifs pour l'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale a eu pour but, non seulement de protéger chacune des assemblées et de garantir le respect du délai global de cinquante jours, mais aussi de permettre la discussion concomitante des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale.
- Le non-respect des délais fixés par la loi organique ne saurait être invoqué dès lors qu'aucun parlementaire, ni au Sénat, ni à l'Assemblée nationale, n'a souligné ce point à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale :
En effet, les termes de l'article 47-1 de la Constitution comme ceux de l'article LO 111-7 confient au Gouvernement, et non au Parlement, le soin de veiller au respect des délais qu'ils fixent.
II. - Sur les articles 5, 6 et 7 du projet de loi
L'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est étranger au domaine des lois de financement de la sécurité sociale et contraire à l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Il est en outre contraire aux articles 6, 16 et 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances. Il en est de même des articles 6 et 7 de la loi qui sont intrinsèquement liés à cet article 5.
Tout d'abord, l'article 5 n'affecte pas l'équilibre financier des régimes obligatoires de base. En effet, il institue un fonds pour " compenser le coût pour la sécurité sociale des exonérations de cotisations patronales aux régimes de base de sécurité sociale (...) ". Or l'absence ou la suppression de l'article 5 n'aurait aucune incidence sur les équilibres de la loi de financement puisque ledit fonds se substitue au budget de l'Etat pour assurer la compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales.
De plus l'article 5 n'améliore pas davantage le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Enfin, il est contraire aux dispositions de l'article 18 de l'ordonnance organique sur les lois de finances, en tant qu'il modifie une affectation qui relève de la loi de finances.
III. - Sur l'article 16 de la loi
L'affectation d'une partie d'une recette non fiscale (contribution de la Caisse des dépôts et consignation) au fonds de réserve pour les retraites, par le paragraphe V de l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, est contraire à l'article 18 de l'ordonnance organique relative aux lois de finances car elle aurait dû être prévue dans la loi de finances pour 2000.
IV. - Sur l'article 24 du projet de loi
Le mécanisme des " lettres clés flottantes " institué par l'article 24, en établissant un lien automatique et général entre des fluctuations conjoncturelles à la hausse des dépenses d'assurance maladie et la fluctuation à la baisse des tarifs des professionnels de santé, confère à ces baisses de tarifs le caractère de sanctions collectives.
Ces sanctions sont à la charge de l'ensemble des professionnels, quel qu'ait été leur comportement individuel en cours d'année.
Le mécanisme prévu par l'article 24 méconnaît donc les principes de nécessité, de proportionnalité et de personnalité des peines.
En outre, en cas d'absence de convention pour les médecins spécialistes, ou en cas de désaccord entre les partenaires conventionnels pour conclure une annexe à la convention, le paragraphe XII bis prévoit la possibilité d'" accords conventionnels de substitution ".
Ils peuvent être conclus par spécialité ou par groupe de spécialités avec " au moins une organisation syndicale nationale de médecins de la spécialité ou du groupe de spécialités adhérente d'une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire des médecins spécialistes ".
Il n'apparaît pas conforme à la Constitution que des organisations de médecins non reconnues comme représentatives puissent, pour les médecins de la ou des spécialités qu'ils prétendent représenter, conclure ainsi des accords conventionnels.
V. - Sur l'article 29 du projet de loi
L'article 29 du projet de loi, qui modifie pour la seule année 2000 l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale, est contraire aux dispositions de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
En effet, l'article 29 de la loi de financement pour 2000 aboutit à modifier l'ONDAM (l'objectif national des dépenses de l'assurance maladie) 1999 tel qu'il a été fixé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.
Or, seule une loi de financement rectificative aurait pu, aux termes du paragraphe II de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, procéder à une telle révision de l'ONDAM 1999.
VI. - Sur l'article 31 du projet de loi
L'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale n'est pas conforme aux dispositions de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale. Cet article permet à l'Agence de sécurité sanitaire des produits de santé de délivrer une autorisation de mise sur le marché à un médicament générique avant l'expiration de la protection du médicament princeps. Si cet article a un impact sur la répartition des parts de marché entre laboratoires producteurs de médicaments génériques, il n'affectera pas l'équilibre financier des régimes obligatoires d'assurance maladie.
En outre, l'article 31 n'est pas conforme aux engagements internationaux de la France, engagements signés par la Commission européenne et transposés en droit français par la loi n° 96-1106 du 18 décembre 1996 modifiant le code de la propriété intellectuelle en application de l'accord instituant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
VII. - Sur l'article 33, paragraphe X, du projet de loi
L'article 33, paragraphe X, du projet de loi opère une validation législative des actes, pris en application de l'arrêté du 28/04/99 qui fixe le dispositif de régulation, dont le juge administratif est saisi. Or, un éventuel intérêt financier qui n'a d'ailleurs pas été précisé, ni par l'exposé des motifs, ni par le Gouvernement au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ne constitue pas un motif d'intérêt général suffisant pour faire obstacle aux possibles effets d'une décision de justice à venir.
Cette solution a déjà été précisée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 95-396 DC du 28 décembre 1995. De plus, la Cour européenne des droits de l'homme a conclu dans un cas similaire (arrêt du 28/10/99) à une " ingérence " du législateur dans le fonctionnement de la justice contraire à l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

LOI DE FINANCEMENT

DE LA SECURITE SOCIALE POUR 2000

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, adoptée définitivement par l'Assemblée nationale le 3 décembre 1999.

I. - Sur l'ensemble de la loi de financement

de la sécurité sociale

Les sénateurs soussignés estiment que l'ensemble de la loi de financement de la sécurité sociale a été adopté aux termes d'une procédure non conforme aux dispositions de l'article LO 111-7 du code de la sécurité sociale.

Cet article de la loi organique prévoit en effet que :

« Le Sénat doit se prononcer, en première lecture, dans un délai de quinze jours après avoir été saisi. » (deuxième alinéa de l'article LO 111-7)

et que :

« Si le Sénat n'a pas émis un vote en première lecture sur l'ensemble du projet dans le délai imparti, le Gouvernement saisit à nouveau l'Assemblée nationale du texte soumis au Sénat modifié, le cas échéant, par les amendements votés par le Sénat et acceptés par lui » (quatrième alinéa de l'article LO 111-7).

Ces dispositions sont claires et impératives, l'article LO 111-7 fixant à la fois un délai et la procédure que devra suivre le Gouvernement en cas de dépassement dudit délai (si le conseil en jugeait autrement, estimant que les délais et les procédures prévus par l'article LO 111-7 ne présentent pas un caractère impératif, il serait utile que sa décision précise à l'intention du législateur organique en...

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