Saisine du Conseil constitutionnel en date du 12 février 2008 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2007-563 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0049 du 27 février 2008
Record NumberJORFTEXT000018169061
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication27 février 2008

LOI FACILITANT L'ÉGAL ACCÈS DES FEMMES
ET DES HOMMES AU MANDAT DE CONSEILLER GÉNÉRAL

Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel,
Nous avons l'honneur de déférer à votre examen, conformément au second alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'article unique de la proposition de loi facilitant l'égal accès des hommes et des femmes au mandat de conseiller général, adoptée sans modification par le Sénat le 6 février 2008.
1. La proposition de loi prétend compléter les mesures de la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.
La loi du 31 janvier 2007 a prévu, afin de favoriser l'accession progressive des femmes aux conseils généraux, la création de remplaçants de l'autre sexe pour les conseillers généraux et le remplacement automatique des conseillers généraux dont le siège devient vacant pour les causes suivantes :
― décès ;
― présomption d'absence au sens de l'article 112 du code civil ;
― acceptation de la fonction de membre du Conseil constitutionnel ;
― démission pour cause de cumul de plus de deux mandats locaux (art. 46-1 du code électoral) ou de cumul d'un mandat de député européen avec plus d'un mandat local (art. 46-2 du code électoral).
2. Selon son auteur, la proposition de loi se situerait dans la continuité des objectifs poursuivis par le législateur à l'occasion de la discussion de la loi du 31 janvier 2007. Elle se contenterait d'étendre les cas de remplacement du conseiller général titulaire par le suppléant d'un autre sexe aux cas de démission pour cause de cumul de mandats lorsqu'il concerne un député ou un sénateur en place.
Le texte de cette proposition de loi complète l'article 221 du code électoral relatif au remplacement des conseillers généraux, afin d'y mentionner l'article LO 151-1 du même code qui prévoit qu'un député (ou un sénateur) qui acquiert, postérieurement à son élection au Parlement, un mandat électoral propre à le placer dans un des cas d'incompatibilités visés à l'article LO 141 dispose d'un délai de trente jours à compter de la date définitive de son élection pour démissionner librement du mandat de son choix.
Ainsi, un parlementaire national élu conseiller municipal et conseiller général pourra démissionner immédiatement de son nouveau mandat de conseiller général. Il sera immédiatement remplacé par le suppléant.
3. Les sénateurs auteurs de la saisine estiment que la présente proposition de loi encourt plusieurs reproches constitutionnels qui doivent être sanctionnés :
adoptée dans la précipitation, à la veille des échéances électorales concernées, elle porte une atteinte sans précédent à la tradition républicaine qui veut qu'aucune modification essentielle n'affecte les conditions d'un scrutin ;
― la proposition de loi porte atteinte à la liberté de choix de l'électeur et méconnaît ainsi une exigence fondamentale du suffrage universel ;
― elle porte également atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, fondamental en matière électoral ;
― enfin elle donne au parlementaire, et à lui seul, la possibilité de décider si son remplaçant deviendra ou non conseiller général.
4. Les sénateurs socialistes considèrent en premier lieu que la proposition de loi porte atteinte à la tradition républicaine qui veut que l'on ne peut porter une quelconque modification aux règles électorales dans l'année qui précède un scrutin.

Si par extraordinaire la loi était promulguée sans qu'une censure du Conseil constitutionnel n'intervienne, elle modifierait substantiellement les conditions du scrutin cantonal dans plusieurs départements et porterait ainsi atteinte à la loyauté du scrutin.
Comme nul ne l'ignore en effet, les prochaines élections cantonales sont prévues les 9 et 16 mars prochains. Les déclarations de candidatures pour le premier tour doivent être déposées à partir du mercredi 13 février et jusqu'au 20 février.
Il appartiendra à l'évidence au Conseil constitutionnel de se prononcer enfin clairement sur la portée de la tradition républicaine qui veut qu'on ne peut procéder à une modification des règles électorales, non pas dans l'année qui précède un scrutin, mais dans les jours qui le précèdent, voire après le dépôt des candidatures, ce qui est sans précédent dans l'histoire de la République, qui a pourtant vu bien des modifications des règles électorales, parfois précipitées, voire même effectuées dans l'intérêt supposé de la majorité qui les a votées.
Les sénateurs requérants estiment qu'une portée normative doit être désormais conférée au principe selon lequel on ne peut modifier les règles électorales alors que le processus électoral a commencé, c'est-à-dire, en l'espèce, le dépôt des candidatures aux élections cantonales.
4. 1. Il serait fastidieux, et d'ailleurs impossible, de citer l'ensemble des références à cette tradition républicaine au cours des débats parlementaires.
Voici néanmoins un échantillon :
Assemblée nationale, 2e séance du 11 février 2003, M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales : " Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin vous le propose. Le temps presse car les prochaines élections régionales et cantonales auront lieu dans moins de quatorze mois. Il existe une règle républicaine ― et je crois qu'elle est nécessaire ― selon laquelle un mode de scrutin ne peut être modifié dans l'année qui précède une élection. "
Sénat, séance du 14 décembre 2006, M. Brice Hortefeux, ministre des relations...

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