Saisine du Conseil constitutionnel en date du 27 mai 2008 présentée par au moins soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2008-564 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0148 du 26 juin 2008
Record NumberJORFTEXT000019066278
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication26 juin 2008


LOI RELATIVE AUX ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Monsieur le président du Conseil constitutionnel, mesdames et messieurs les membres du Conseil constitutionnel, nous avons l'honneur de déférer à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, l'ensemble de la loi relative aux organismes génétiquement modifiés.
A l'appui de cette saisine, nous développons les griefs et les moyens suivants.

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I.-Sur la violation de la procédure législative

Les conditions dans lesquelles la loi relative aux organismes génétiquement modifiés a été adoptée portent atteinte aux principes fondamentaux de la procédure parlementaire.
A. ― Sur les conditions de convocation de la CMP :
Le 13 mai 2008, l'Assemblée nationale rejetait par le vote d'une question préalable l'ensemble du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés tel qu'adopté par le Sénat en deuxième lecture.
Le Gouvernement convoquait le jour même et pour le lendemain la réunion d'une commission mixte paritaire, obligeant ainsi les groupes parlementaires à désigner dans l'urgence leurs représentants pour siéger à cette CMP.
Par ailleurs, la CMP se réunissait concomitamment à la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, commission saisie au fond sur le projet de loi de modernisation de l'économie, nonobstant l'article 42, alinéa 1, du règlement, qui dispose que la présence des commissaires aux réunions des commissions est obligatoire.
A ces conditions de convocation particulièrement non respectueuses des droits de l'Assemblée nationale, force est de dénoncer les conditions de déroulement de la CMP.
B. ― Sur les conditions de déroulement de la CMP :
L'article 45 de la Constitution prévoit la possibilité de réunir une commission mixte paritaire par suite d'un désaccord entre les deux assemblées. Cette commission est chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion.
Or, certains membres de la CMP se sont interrogés à juste titre sur le texte qui devait servir de base au travail de la CMP. En l'espèce, toutes les dispositions ne demeuraient-elles pas en discussion puisque le texte issu du Sénat en deuxième lecture avait été rejeté par l'Assemblée nationale par le vote d'une question préalable ?
C'est ainsi que Philippe Martin s'est interrogé sur la teneur du texte soumis à la CMP et que Mme Delphine Batho a fait observer que la CMP n'était pas réunie dans un contexte classique où elle n'a à se prononcer que sur les articles restant en discussion et que les membres de la CMP étaient en droit d'attendre une discussion nouvelle sur chacun des articles du projet de loi soumis à la commission mixte paritaire. (cf. rapport de la CMP n° 891 Assemblée nationale, n° 335 Sénat, p. 5 et 13).
M. Germinal Peiro a rappelé la position divergente de l'opposition par rapport à la majorité sur la question des OGM et émis en conséquence le souhait de pouvoir faire valoir en commission mixte paritaire une partie des amendements qui auraient dû être examinés en deuxième lecture à l'Assemblée nationale la veille, tout en soulignant que son groupe s'attendait plutôt à voir émerger de nouvelles propositions de la part du Gouvernement ou à ce que soit déposé un nouveau texte. (cf. rapport de la CMP n° 891 Assemblée nationale, n° 335 Sénat, p. 4).
Tout en reconnaissant que la CMP était saisie de l'ensemble des articles du projet de loi, Patrick Ollier, président de la CMP, a répondu que le choix de la majorité des députés et sénateurs membres de la commission mixte paritaire n'était pas de rouvrir une discussion sur les articles adoptés préalablement par l'Assemblée nationale et le Sénat (cf. rapport de la CMP n° 891 Assemblée nationale, n° 335 Sénat).
Il a ensuite fait voter globalement sur l'ensemble des articles du texte dans la rédaction issue de la deuxième lecture du Sénat, empêchant les députés, notamment ceux de l'opposition, de défendre leurs amendements.
L'article 1er dont la discussion avait été quant à elle réservée a finalement été adopté dans sa version adoptée par le Sénat en deuxième lecture sans qu'aucune discussion n'ait eu finalement lieu sur l'amendement adopté par le Sénat en deuxième lecture sur cet article qui constitue pourtant le cœur du projet de loi.
M. Philippe Martin s'est insurgé contre cette méthode qui signifie la fin de la discussion et l'impossibilité pour l'opposition de défendre ses amendements. . Refusant également cette façon de procéder, M. Germinal Peiro a indiqué que la réserve de l'article 1er ne laissait nullement présager que celui-ci ne viendrait pas en discussion. La CMP est en outre habilitée à aborder tous les articles restant en discussion : or, l'Assemblée nationale n'a jamais débattu de l'amendement adopté par le Sénat en deuxième lecture à l'alinéa 2 de l'article 1er. Enfin, le débat ne pourra pas avoir lieu dans l'hémicycle dans la mesure où il n'y a pas d'amendement déposé lors du vote définitif d'un texte issu des conclusions de la CMP, sauf accord du Gouvernement. Il appartient donc à la CMP d'amender le texte proposé. (cf. rapport de la CMP n° 891 Assemblée nationale, n° 335 Sénat, p. 13 et 14).
Mais, en dépit de ces critiques, le président de la CMP, Patrick Ollier, réfutant le terme de passage en force , a estimé que la majorité étant simplement majoritaire (...) il convient de respecter le travail du Sénat et donc d'adopter le texte qu'il propose. Il est excessif de la part de l'opposition de réclamer que le débat reprenne exactement là où il l'a lui-même interrompu. Le débat reprendra dans l'hémicycle sur les conclusions de la CMP. (cf rapport de la CMP n° 891 Assemblée nationale, n° 335 Sénat, p 14).
Les députés ont ainsi été privés définitivement de leur droit d'amender ce texte puisque l'article 45, alinéa 3, de la Constitution prévoit que, lors de la discussion des conclusions de la CMP en séance publique par les deux assemblées, aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement .
Le cumul de ces irrégularités de procédure a conduit à bafouer les droits de l'Assemblée nationale et le droit d'amendement que les députés tiennent de l'article 44 de la Constitution a été fondamentalement remis en cause.
La censure pour violation de la procédure parlementaire est donc encourue sur ce point.

II. ― Sur la violation de l'article 88 de la Constitution

A. ― Sur la violation de l'article 88-1 de la Constitution et de l'exigence constitutionnelle de transposition des directives communautaires :
Les auteurs de la présente saisine rappellent que, selon une jurisprudence désormais établie du Conseil constitutionnel (CC, n° 2004-496 DC du 10 juin 2004, loi pour la confiance dans l'économie numérique, considérant 7), la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle qui trouve son fondement dans l'article 88-1 de la Constitution selon lequel la République participe aux Communautés européennes et à l'Union européenne, constituées d'Etats qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d'exercer en commun certaines de leurs compétences .
Le respect de cette exigence constitutionnelle, qui s'impose au législateur, est soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. Toutefois, devant statuer avant la promulgation de la loi dans le délai prévu par l'article 61 de la Constitution, [celui-ci] ne peut saisir la Cour de justice des Communautés européennes de la question préjudicielle prévue à l'article 234 du traité instituant la Communauté européenne (CC, n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, loi relative au secteur de l'énergie, considérant 7). Ainsi, le Conseil constitutionnel, dans le cadre d'un contrôle de constitutionnalité portant sur une loi de transposition d'une directive communautaire, ne saurait [...] déclarer non conforme à l'article 88-1 de la Constitution qu'une disposition législative manifestement incompatible avec la directive qu'elle a pour objet de transposer (CC, n° 2006-543 DC du 30 novembre 2006, loi relative au secteur de l'énergie, considérant 7).
Il résulte de cette jurisprudence qu'une disposition législative manifestement incompatible avec une directive communautaire que la loi a pour objet de transposer viole l'exigence constitutionnelle posée à l'article 88-1 de la Constitution.
La loi en examen a pour objet...

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