Saisine du Conseil constitutionnel en date du 24 décembre 1998 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 98-407 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°16 du 20 janvier 1999
Date de publication20 janvier 1999
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000392309

LOI RELATIVE AU MODE D'ELECTION DES CONSEILLERS REGIONAUX ET DES CONSEILLERS A L'ASSEMBLEE DE CORSE ET AU FONCTIONNEMENT DES CONSEILS REGIONAUX

Les sénateurs soussignés ont l'honneur de déférer au Conseil constitutionnel la loi relative au mode d'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, notamment ses articles 3 et 16, prévoyant, en cas d'égalité de suffrages, l'attribution de la prime majoritaire à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée et l'attribution du dernier siège au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus, les articles 4 et 17 imposant que chaque liste assure la parité des candidats féminins et masculins, les articles 20 et 21 modifiant la composition du collège électoral des sénateurs, l'article 22 établissant au profit de l'exécutif régional une procédure de vote bloqué pour l'adoption du budget, l'article 23 étendant la procédure d'adoption sans vote du budget de la région aux délibérations à caractère fiscal et à deux autres délibérations budgétaires, l'article 24 rendant obligatoirement publiques les réunions des commissions permanentes des conseils régionaux, l'article 27 fixant les conditions d'entrée en vigueur de la loi.

I. - Sur l'attribution, en cas d'égalité de suffrages, de la prime majoritaire à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée et sur l'attribution du dernier siège au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus

Les articles 3 et 16 de la loi déférée ont notamment pour effet d'accorder au deuxième tour, lorsque les deux listes arrivées en tête ont obtenu le même nombre de suffrages, une prime égale au quart des sièges arrondi à l'entier supérieur à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée.

Ces articles ont aussi pour effet d'attribuer le dernier siège à pourvoir, en cas d'égalité de moyenne et de suffrages entre listes, au moins âgé des candidats susceptibles d'être élu.

Le troisième alinéa de l'article L. 338 du code électoral résultant de l'article 3 serait en effet ainsi rédigé :

« Si aucune liste n'a recueilli la majorité absolue des suffrages exprimés au premier tour, il est procédé à un second tour. Il est attribué à la liste qui a obtenu le plus de voix un nombre de sièges égal au quart du nombre des sièges à pourvoir, arrondi à l'entier supérieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la moins élevée. Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après. »

Le sixième alinéa de l'article L. 338 du code électoral résultant de l'article 3 serait ainsi rédigé :

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au moins âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

L'article 16 de la loi est ainsi rédigé :

« L'article L. 366 du code électoral est ainsi modifié :

« 1o Dans l'avant-dernière phrase du deuxième alinéa, le mot : "plus" est remplacé par le mot : "moins" ;

« 2o Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les listes qui n'ont pas obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges ;

« Les dispositions des deux derniers alinéas de l'article L. 338 sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. »

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que les dispositions précitées sont contraires aux règles et aux principes de valeur constitutionnelle tels qu'ils résultent de la Constitution, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

L'attribution du bénéfice de l'âge au plus âgé des candidats, en cas d'égalité de suffrages, figure parmi les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Le Préambule de la Constitution de 1958 a donné une valeur constitutionnelle « aux droits de l'homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu'ils ont été définis par la Déclaration de 1789, confirmée et complétée par le Préambule de la Constitution de 1946 ».

Dans son premier alinéa, le Préambule de la Constitution de 1946 « réaffirme solennellement les droits et les libertés de l'homme et du citoyen consacrés par la Déclaration des droits de 1789 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ».

Au nombre des lois de la République ayant fondé ces principes fondamentaux figurent sans aucun doute la loi du 10 août 1871 relative aux conseils généraux, qui a fixé leur élection au scrutin uninominal à deux tours dans le cadre du canton et la loi du 5 avril 1884 sur l'organisation municipale, qui a décidé de l'élection des conseillers municipaux au scrutin de liste à deux tours.

L'article 14 (2o) de la loi du 10 août 1871 tout comme l'article 30 de la loi du 5 avril 1884 prévoient, dans les mêmes termes, que « si plusieurs candidats obtiennent le même nombre de suffrages, l'élection est acquise au plus âgé ».

Ce faisant, les lois de 1871 et de 1884 précitées se bornaient à reprendre un principe non contredit depuis plus de deux siècles, puisque la Constitution du 24 juin 1793 énonce, dans son article 27 concernant l'élection des députés, que « en cas d'égalité des voix, le plus âgé a la préférence, soit pour être ballotté, soit pour être élu. En cas d'égalité d'âge, le sort décide ».

Les nombreuses modifications subies par le code électoral n'ont jamais remis en cause, à aucun moment, ce principe fondamental et qui concerne aussi bien les mandats électoraux que les fonctions électives.

Les dispositions contestées de l'article 3 et de l'article 16 méconnaissent donc un principe fondamental reconnu par les lois de la République.

II. - Sur l'obligation pour chaque liste d'assurer

la parité entre les candidats féminins et masculins

Les articles 4 et 17 de la loi déférée font obligation à chaque liste de candidats à l'élection au conseil régional ou à l'Assemblée de Corse d'assurer la parité entre candidats féminins et masculins.

En effet, aux termes du troisième alinéa de l'article 4, le deuxième alinéa de l'article L. 346 du code électoral relatif aux conditions de recevabilité des candidatures pour l'élection des conseillers régionaux serait ainsi rédigé :

« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »

L'article 17 complète l'article L. 370 du code électoral, concernant les conditions de recevabilité des candidatures pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse, par un alinéa ainsi rédigé :

« Chaque liste assure la parité entre candidats féminins et masculins. »

Pour les motifs développés ci-après, les sénateurs signataires de la présente saisine considèrent que le troisième alinéa de l'article 4 et l'article 17 sont contraires aux règles et principes de valeur constitutionnelle tels qu'ils résultent de la Constitution, de la Déclaration de 1789, du Préambule de la Constitution de 1946 et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République.

Dans votre décision no 82-146 DC du 18 novembre 1982, vous avez considéré « que la règle qui, pour l'établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe (était) contraire aux principes constitutionnels », que vous avez constatés à partir du rapprochement de l'article 3 de la Constitution et de la dernière phrase de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

L'article 3 de la Constitution est ainsi rédigé :

« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum ;

« Aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice ;

« Le suffrage peut être direct ou indirect dans les conditions prévues par la Constitution. Il est toujours universel, égal et secret ;

« Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et politiques. »

La dernière phrase de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen est ainsi rédigée :

« Tous les citoyens étant égaux (aux yeux de la loi) sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »

Dans votre décision précitée, vous en avez conclu que « la qualité de citoyen ouvre le droit de vote et l'éligibilité dans des conditions identiques à tous ceux qui n'en sont pas exclus pour une raison d'âge, d'incapacité ou de nationalité, ou pour une raison tendant à préserver la liberté de l'électeur ou l'indépendance de l'élu ; que ces principes de valeur constitutionnelle s'opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles ; qu'il en est ainsi pour tout suffrage politique, notamment pour l'élection des conseillers municipaux ».

Les principes constitutionnels s'opposant à une distinction entre candidats en raison de leur sexe n'ont en rien été modifiés depuis votre décision du 18 novembre 1982 précitée.

Ils sont applicables à l'élection des conseillers régionaux et des conseillers à l'Assemblée de Corse, comme vous les avez appliqués à celle des conseillers municipaux.

Les dispositions contestées de l'article 4 et l'article 17 de la loi violent donc l'article 3 de la Constitution et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

III. - Sur la modification de la composition

du collège électoral sénatorial

Les articles 20 et 21 de la loi déférée ont pour effet...

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