Saisine du Conseil constitutionnel en date du 17 janvier 2014 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2014-690 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0065 du 18 mars 2014
Date de publication18 mars 2014
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000028739424




LOI RELATIVE À LA CONSOMMATION


Monsieur le président,
Mesdames et messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi relative à la consommation qui, selon eux, contrevient aux principes de liberté personnelle, de garantie des droits, de présomption d'innocence, d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, et de respect de la vie privée.


I. ― S'agissant de l'article 1er


I-1. Sur le non-respect du principe constitutionnel de liberté personnelle :
Les requérants estiment que les articles L. 423-1 et L. 423-2 du code de la consommation, tels qu'ils ressortent de l'examen du projet de loi consommation sont contraires au principe de liberté personnelle présent aux articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Il ressort de l'analyse de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que la liberté personnelle est belle et bien un principe constitutionnel, comme le souligne par exemple MM. Henry Roussillon et Xavier Bioy dans leur ouvrage collectif sur la liberté personnelle (1). Ces derniers expliquent notamment que cette liberté personnelle doit se comprendre de la manière suivante : « elle fonde désormais certaines des protections relevant de la liberté de l'individu et désignerait subsidiairement le droit à ne pas subir de contraintes sociales excessives au regard de la personnalité ».
Or, le premier alinéa de l'article L. 423-4-1 du code de la consommation, issu de la loi déférée, dispose que : « Lorsque l'identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d'un même montant, d'un montant identique par prestation rendue ou d'un montant identique par référence à une période ou à une durée, le juge, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu'il fixe. »
La lecture de la présente disposition nous indique que, dans le cadre de la procédure d'action de groupe simplifiée, le juge statuera sur la responsabilité d'un professionnel s'étant rendu coupable d'un manquement à ses obligations légales et contractuelles à l'égard de consommateurs, alors même que le législateur ne fournit aucune précision sur la possibilité donnée aux consommateurs concernés de se manifester individuellement.
Les autres alinéas de l'article L. 423-4-1 ne fournissent pas davantage de précisions sur l'identification du groupe de consommateurs qui prendra part à l'action de groupe simplifiée.
Or, il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que l'utilisation de cas individuels dans la conduite d'une action collective est conditionnée à : « l'assentiment en pleine connaissance de cause » de l'intéressé, comme le précise votre Conseil dans sa décision du 25 juillet 1989 sur la loi modifiant le code du travail et relative à la prévention du licenciement économique et au droit à la conversion (2).
Dans cette même décision, votre Conseil devait se prononcer sur la constitutionnalité de la possibilité donnée aux organisations syndicales représentatives d'exercer en justice toutes actions qui naissent des dispositions légales, réglementaires ou conventionnelles régissant le licenciement pour motif économique et la rupture du contrat de travail en faveur d'un salarié, sans avoir à justifier d'un mandat de l'intéressé ; votre Conseil a précisé jusqu'où l'information et le pouvoir d'opposition du futur plaignant pouvaient être considérés comme satisfaisants : « le salarié doit être averti par lettre recommandée avec accusé de réception afin de pouvoir s'opposer, le cas échéant, à l'initiative de l'organisation syndicale, il est réputé avoir donné son approbation faute de réponse de sa part dans un délai de quinze jours ».
Toujours, dans la même décision, votre Conseil conclut que les dispositions déférées n'étaient pas contraires à la Constitution au motif que : « le syndicat justifie, lors de l'introduction de l'action, que le salarié a eu personnellement connaissance de la lettre comportant les mentions sus-indiquées ; que c'est seulement sous ces réserves que l'article 29 de la loi n'est pas contraire à la liberté personnelle du salarié ».
Il ressort de la lecture de ces considérants que, dans le cadre d'une action collective où une organisation agit en présentant des cas individuels, l'utilisation de ces cas individuels est subordonnée à la connaissance qu'auront les personnes lésées de leur droit d'opposition. Il s'agit dans ce cas de ne pas enfreindre la tradition juridique française qui veut que nul ne plaide par procureur.
Or, la précision faite au premier alinéa de l'article L. 423-4-1 du code de la consommation tel qu'il ressort de l'examen du projet de loi consommation selon laquelle : « l'identité et le nombre de consommateurs sont connus » ne permet pas de s'assurer que les personnes lésées auront connaissance de leur droit d'opposition.
Par conséquent, le premier alinéa de l'article L. 423-4-1 ne fournit pas les garanties nécessaires à l'utilisation de cas individuels dans la conduite d'une action collective.
Les requérants estiment donc que la procédure d'action de groupe simplifiée présente à l'article L. 423-4-1 du code de la consommation issu de...

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