Saisine du Conseil constitutionnel en date du 15 mai 2013 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2013-672 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0138 du 16 juin 2013
Record NumberJORFTEXT000027547110
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication16 juin 2013

LOI RELATIVE À LA SÉCURISATION DE L'EMPLOI

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés (1) ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le I-A-2° ainsi que le II-2° de l'article 1er de la loi relative à la sécurisation de l'emploi aux fins de déclarer contraires à la Constitution ces dispositions.
1. Le I-A-2° ainsi que le II-2° de l'article 1er sont contraires au principe de liberté d'entreprendre.
Ce principe constitutionnel se fonde sur l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui précise que : La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
La consécration de ce principe constitutionnel est intervenue par la décision du 16 janvier 1982 sur la loi de nationalisation, décision qui stipula que la liberté qui, aux termes de l'article 4 de la Déclaration, consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui, ne saurait elle-même être préservée si des restrictions arbitraires ou abusives étaient apportées à la liberté d'entreprendre (2). En d'autres termes, les libertés octroyées à l'article 4 de la Déclaration ne trouvent à s'exprimer que si la liberté d'entreprendre est elle aussi préservée.
Une fois le principe consacré, votre conseil, à travers diverses décisions, a jugé de la conformité à la Constitution de nombreuses dispositions en s'appuyant sur ce principe de respect de la liberté d'entreprendre. Comme le montrent les travaux des services du Conseil constitutionnel dans sa contribution du 1er octobre 2001 sur la liberté d'entreprendre dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel (3), le degré de protection de la liberté d'entreprendre a connu des évolutions depuis la consécration du principe en 1982.
Ainsi, la décision du 16 janvier 2001 sur la loi relative à l'archéologie préventive est venue apporter de nouvelles précisions sur la manière dont le Conseil constitutionnel juge de la conformité d'une disposition avec le principe constitutionnel de liberté d'entreprendre en stipulant que : Considérant qu'il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre, qui découle de l'article 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (4). En conséquence, les atteintes au principe de liberté d'entreprendre doivent se justifier par la poursuite d'autres exigences constitutionnelles ou par la poursuite de l'intérêt général. Ces atteintes au principe de liberté d'entreprendre ne doivent donc pas aller au-delà du bénéfice que l'on peut en tirer.
Votre conseil a ensuite renouvelé sa position dans la décision du 12 janvier 2002 sur la loi de modernisation sociale en estimant que le législateur : peut apporter à la liberté d'entreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi (5). Dans cette décision, le Conseil constitutionnel admet que l'on puisse apporter des limites à la liberté d'entreprendre, mais à condition que ces limites soient liées au respect d'un autre principe constitutionnel et que les atteintes soient proportionnées à l'objectif que se fixe la loi. Dans le cas de cette décision, la poursuite de l'intérêt général n'est donc plus une justification suffisante pour admettre une limitation du principe de liberté d'entreprendre. Justification par l'intérêt général qui fera sa réapparition dans des décisions ultérieures.
Le principe constitutionnel de liberté d'entreprendre tel qu'évoqué ci-dessus trouve à s'exprimer dans des situations très diverses. Mais ce principe comporte surtout différentes expressions parmi lesquelles la liberté de concurrence. La liberté de concurrence est en effet une des expressions les plus récurrentes de la liberté d'entreprendre.
La libre concurrence, qui doit se comprendre comme le respect d'une saine et loyale concurrence entre des acteurs économiques et sociaux, trouve à s'appliquer même lorsque les acteurs concernés sont de statuts différents. Tel est le cas avec l'arrêt du Conseil d'Etat du 30 juin 2004 (6) à l'endroit d'un contentieux opposant le département de la Vendée et la société Vedettes Inter-Iles Vendéennes (V.I.I.V.), arrêt qui consacre les règles de concurrence en stipulant qu'il n'y a pas de circonstances exceptionnelles comme des contraintes de sécurité qui pourraient justifier des différences de traitement entre la régie départementale et des compagnies privées.
En d'autres termes, la liberté de concurrence est un principe charnière entre le principe de liberté d'entreprendre et le principe d'égalité présent aux articles 1er, 6, et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Aussi, s'il est loisible que le législateur puisse limiter la liberté de concurrence, et donc la liberté d'entreprendre, cette limitation doit remplir les critères que le Conseil constitutionnel a mentionné dans sa décision du 12 janvier 2002, à savoir que ces limites soient liées au...

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