Avis n° 10-A-01 du 5 janvier 2010 relatif à un projet d'ordonnance portant organisation de la biologie médicale

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0021 du 26 janvier 2010
Record NumberJORFTEXT000021741347
Date de publication26 janvier 2010
CourtAUTORITE DE LA CONCURRENCE
Enactment Date05 janvier 2010



L'Autorité de la concurrence,
Vu la lettre, enregistrée le 21 décembre 2009 sous le numéro 09/0138 A, par laquelle le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi a saisi l'Autorité de la concurrence, sur le fondement de l'article L. 462-2 du code de commerce, d'une demande d'avis portant sur un projet d'ordonnance relatif à l'organisation de la biologie médicale ;
Vu le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Le rapporteur, le rapporteur général adjoint et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 4 janvier 2010 ;
Les représentants du ministère de la santé et des sports entendus sur le fondement de l'article L. 463-7 du code de commerce ;
Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :


I. ― LE CONTEXTE


1. L'Autorité de la concurrence est saisie sur le fondement de l'article L. 462-2 du code de commerce aux termes duquel « L'Autorité est obligatoirement consultée par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : 1° De soumettre l'exercice d'une profession ou l'accès à un marché à des restrictions quantitatives ; 2° D'établir des droits exclusifs dans certaines zones ; 3° D'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente ».
2. L'Autorité tient à souligner que, du fait d'une saisine très tardive, elle a été conduite à se prononcer dans des délais très courts. Dans ce contexte, l'analyse à laquelle il sera procédé ne saurait prétendre à l'exhaustivité. En tout état de cause, dans le cadre du présent avis, l'Autorité ne se prononcera que sur des questions de concurrence d'ordre général. Les développements qui suivent ne sauraient ainsi en aucune manière préjuger des appréciations qui pourraient être portées dans le cadre de procédures contentieuses.


1. Le secteur concerné
a) Les domaines d'activités


3. Les laboratoires d'analyses médicales sont des établissements où médecins et pharmaciens spécialisés en biologie analysent et interprètent des prélèvements dans le but d'aider au diagnostic médical. Environ un quart des laboratoires opère en milieu hospitalier. Les trois quarts du parc de laboratoires exercent en libéral.
4. Les laboratoires sont actifs pour la plupart dans les six spécialités suivantes : biochimie, hématologie, microbiologie, immunologie, parasitologie et virologie. L'essentiel de leur activité est réalisé sur ordonnance médicale. A titre d'activités secondaires, ils peuvent opérer sur d'autres marchés tels que les activités vétérinaires, les tests cliniques délégués par les sociétés de recherche sous contrat ou encore l'environnement et la cosmétologie.
5. La variété des analyses et des techniques employées permet d'effectuer une segmentation entre deux catégories de laboratoires, à savoir, d'une part, les laboratoires dits de « proximité », de taille généralement réduite, dont l'activité vise à satisfaire une demande en analyses courantes et dont le marché géographique se limite généralement à l'échelle de la ville, voire du quartier et, d'autre part, les laboratoires spécialisés, de plus grande taille, positionnés sur des créneaux de haute technicité et se distinguant par l'étendue de leur offre d'examens et de leur sphère géographique d'intervention.


b) Une profession relativement « atomisée »


6. Le conseil national de l'ordre des pharmaciens recensait, à la fin 2008, 4 262 laboratoires privés d'analyses en France, un chiffre particulièrement important par rapport aux autres Etats membres de l'Union européenne. Dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale pour 2005, la Cour des comptes avait déjà relevé qu'il existait en France « 7 000 biologistes libéraux, répartis entre 4 000 laboratoires d'analyse. Cette organisation très éclatée diffère de la situation allemande où il existe seulement 400 très gros laboratoires ».
7. La majorité des laboratoires d'analyse exerçant en France sont de petites structures de proximité dont l'objectif est de satisfaire une demande d'analyses courante. Depuis la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, les laboratoires ont néanmoins la possibilité de se regrouper au sein de sociétés d'exercice libéral (ci-après SEL). Ces structures permettent l'exercice en commun et la mutualisation des charges et des investissements. Elles donnent également la possibilité de racheter un laboratoire ou de regrouper des moyens pour créer un laboratoire supplémentaire dans une zone géographique délimitée (trois départements limitrophes, hors Ile-de-France).
8. Les SEL les plus importantes sur le marché français parviennent à regrouper jusqu'à une dizaine de laboratoires (Biotop, Lab-72). Au niveau européen cependant, des groupes comme Labco et Unilabs ont réussi à développer des réseaux d'une centaine de laboratoires. Le réseau Labco contrôle ainsi environ 120 laboratoires en France. Les deux leaders français de la biologie médicale sont Biomnis et Pasteur Cerba, tout deux indirectement contrôlés par des fonds d'investissement européens.
9. En dépit de cette tendance à la concentration des moyens, le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de 2005 de la Cour des comptes formulait la proposition de réformer et assouplir la réglementation française de manière à faciliter plus avant le regroupement des laboratoires de biologie médicale et la rationalisation de leur activité.


c) Les perspectives du secteur


10. Une étude « Xerfi 700 » d'octobre 2009 relevait qu'en dépit de fondamentaux porteurs (vieillissement de la population, progrès médicaux, développement des programmes de prévention et de dépistage, etc.), l'activité des laboratoires avait connu un net ralentissement ces dernières années. Proche de 10 % par an jusqu'en 2003, le taux de croissance de la consommation d'analyses médicales a en effet été ramené à 3 % à partir de 2005, notamment sous l'effet des restrictions budgétaires de l'assurance-maladie. Afin de résorber le déficit de la sécurité sociale, les pouvoirs publics ont en effet principalement joué sur les leviers de la baisse des tarifs des actes de biologie médicale (3 révisions en 4 ans depuis 2005), la modération des prescriptions des médecins et la responsabilisation des assurés (franchise de 1 euro par acte).
11. Avec un déficit annuel estimé qui devrait se maintenir au-dessus des 10 milliards d'euros jusqu'en 2012, les mesures pour assainir les comptes de l'assurance-maladie devraient encore s'intensifier dans les prochaines années. Le PLFSS 2010 prévoit d'ores et déjà une nouvelle économie de 240 millions d'euros au niveau des secteurs de la radiologie et de la biologie.
12. Les baisses de prix successives des actes de biologie (juillet 2006, octobre 2007 et janvier 2009) se sont traduites par un repli de près de 6 points du taux de résultat courant avant impôts entre 2004 et 2009. D'environ 19 %, ce dernier garantit toutefois un niveau de résultat très élevé à la profession. Le taux de marge économique nette, estimé en 2008 à 21 %, est ainsi l'un des plus importants parmi les professions médicales.


2. L'environnement réglementaire
a) Un modèle « à la française »


13. La biologie médicale privée est actuellement strictement encadrée par des réglementations touchant à ses formes d'exploitation, aux tarifs des actes (liés à la « lettre clé B » à valeur monétaire fixée ainsi qu'à une grille de cotation, la « nomenclature des actes »), aux effectifs requis selon le volume d'actes traités, aux qualifications requises pour effectuer les examens ainsi qu'au contrôle de la qualité des analyses.
14. Une loi de 1975 a fixé le dispositif législatif et réglementaire de la profession. Son objectif fondamental était de préserver le rattachement de la biologie à la sphère médicale et de la protéger de possibles « dérives » commerciales. A ce dernier titre, cette loi instituait notamment l'obligation d'une détention du capital des laboratoires par les seuls biologistes en exercice à hauteur d'au moins 75 %.
15. De plus, le directeur de laboratoire se voyait accorder un très large champ de responsabilités, dépassant le simple examen technique pour toucher directement à l'élaboration du diagnostic et à la prescription de soins. L'accès aux statuts de directeur ou de directeur adjoint de laboratoire confère ainsi un « monopole » de compétence, tant dans les opérations d'analyses que dans celles de gestion d'un laboratoire : la direction d'un laboratoire est ainsi ouverte aux seuls médecins (ou pharmaciens et vétérinaires) disposant d'une formation en biologie médicale. En contrepartie de cette restriction, les directeurs et directeurs adjoints ne peuvent en revanche exercer dans plus d'un laboratoire et ne peuvent non plus pratiquer une autre activité médicale (à l'exception des fonctions d'enseignement ou d'une activité hospitalière à temps partiel).
16. A l'heure actuelle, et contrairement aux officines de pharmaciens, les laboratoires ne sont soumis à aucune contrainte concernant leur implantation géographique. La liberté d'installation est donc de principe, sans aucune référence aux besoins sanitaires de la population. En revanche, des restrictions encadrent les pratiques de collecte des prélèvements. Ainsi, le ramassage organisé est interdit dans les agglomérations où existe une pharmacie ou un laboratoire exclusif. Les transmissions de prélèvements d'un laboratoire à un autre ou entre pharmacies et laboratoires sont, quant à elles, autorisées, mais sous condition qu'un contrat de collaboration ait été conclu au préalable entre les parties. Ces contrats doivent être établis au sein d'une même zone géographique (3 départements limitrophes) et sont limités à 9 par laboratoire. Les restrictions ne concernent toutefois ni les actes « réservés » ou « très spécialisés ».
17. Ainsi, les conditions...

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