Avis n° 2004-A-03 du 28 janvier 2004 relatif à un projet de décret concernant des catégories de médicaments à prescription restreinte et la vente de médicaments au public par certains établissements de santé et modifiant le code de la santé publique et le code de la sécurité sociale

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°138 du 16 juin 2004
Record NumberJORFTEXT000000801548
CourtMINISTERE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
Date de publication16 juin 2004


Le Conseil de la concurrence (section 1),
Vu la lettre en date du 14 octobre 2003 enregistrée, le 15 octobre 2003, sous le numéro 03/0071A, par laquelle le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le Conseil de la concurrence sur le fondement de l'article L. 462-2 du code de commerce d'une demande d'avis portant sur un projet de décret relatif à des catégories de médicaments à prescription restreinte et à la vente de médicaments au public par certains établissements de santé et modifiant le code de la santé publique et le code de la sécurité sociale ;
Vu la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain ;
Vu la loi n° 2003-1199 du 18 décembre 2003 de financement de la sécurité sociale pour 2004 (en particulier, son article 21) ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code la sécurité sociale ;
Vu le livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence et le décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant ses conditions d'application ;
Le rapporteur, la rapporteure générale adjointe et le commissaire du Gouvernement entendus lors de la séance du 17 décembre 2003,
Est d'avis de répondre à la demande présentée dans le sens des observations qui suivent :


I. - LE CADRE JURIDIQUE DU PROJET DE DÉCRET
ET LA SAISINE DU CONSEIL DE LA CONCURRENCE


1. Le projet de décret soumis au Conseil de la concurrence comprend deux parties largement indépendantes. La première partie réforme les catégories de médicaments soumis à prescription restreinte, en ajoutant deux catégories aux trois existantes. La seconde partie du texte concerne la rétrocession hospitalière, autrement dit la dispensation par une pharmacie hospitalière de médicaments à des patients ambulatoires.
2. Ce circuit de distribution particulier des médicaments existe par dérogation au droit commun. L'article L. 5126-1 du code de la santé publique (CSP) stipule en effet que « l'activité des pharmacies à usage intérieur est limitée à l'usage particulier des malades dans les établissements de santé ou médico-sociaux où elles ont été constituées [...]. » La loi du 8 décembre 1992 (art. L. 5126-4 du CSP) a introduit la dérogation suivante :
« Dans l'intérêt de la santé publique, le ministre chargé de la santé arrête, par dérogation aux dispositions de l'article L. 5126-1, la liste des médicaments que certains établissements de santé, disposant d'une pharmacie à usage intérieur, sont autorisés à vendre au public, au détail et dans le respect des conditions prévues aux articles L. 5123-2 à L. 5123-4. Les conditions d'utilisation et le prix de cession de ces médicaments et des dispositifs médicaux stériles sont arrêtés conjointement par les ministres chargés de l'économie et des finances, de la santé et de la sécurité sociale. »
3. L'article L. 5126-14, du CSP prévoit que « les critères selon lesquels sont arrêtés la liste des médicaments définie à l'article L. 5126-4, leur prix de cession, ainsi que le choix des établissements autorisés, par le même article, à vendre lesdits médicaments au public » sont déterminés par décret en Conseil d'Etat. La seconde partie du texte soumis à l'avis du Conseil de la concurrence est le décret d'application prévu par cet article. Dans l'attente de sa parution, la loi du 8 décembre 1992 n'est pas applicable et il n'existe pas de liste des médicaments rétrocédés. Pour certains médicaments, des lettres circulaires du ministère de la santé encadrent la rétrocession. Pour d'autres, celle-ci a lieu sans même que l'administration en ait connaissance.
4. La seconde partie du projet de décret comporte deux volets. Le premier précise les critères d'inscription sur la liste de rétrocession ; le second concerne la tarification et la prise en charge par l'assurance maladie des médicaments rétrocédés. Ce second volet comporte, notamment, une disposition qui instaure, pour les médicaments rétrocédés titulaires de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), un prix de vente au public uniforme. Cette disposition a justifié la saisine du Conseil sur le fondement de l'article L. 462-2 (3°) du code de commerce :
« Le Conseil est obligatoirement consulté par le Gouvernement sur tout projet de texte réglementaire instituant un régime nouveau ayant directement pour effet : [...] 3° d'imposer des pratiques uniformes en matière de prix ou de conditions de vente. »
5. Cependant, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2004, votée et publiée au Journal officiel de la République française du 19 décembre 2003, comprend un article 21 qui porte sur le même sujet, à savoir la fixation du prix de cession des médicaments rétrocédés titulaires d'une AMM. Le Parlement ayant modifié les dispositions de cet article, la cohérence avec le projet de décret s'est trouvée remise en cause. Si l'architecture d'ensemble du dispositif est la même dans les deux textes, des différences notables existent, notamment en ce qui concerne la procédure de régulation du prix de cession et l'organisation des négociations entre les laboratoires pharmaceutiques et le Comité économique des produits de santé (CEPS). Le texte du décret devra évoluer pour tenir compte de la loi votée. Le présent avis tient compte de ces nécessaires modifications.


II. - LE PROJET DE DÉCRET SOUMIS AU CONSEIL
A. - Deux nouvelles catégories de médicaments
à prescription restreinte


6. L'article R. 5143-5-1 du CSP dispose que :
« L'autorisation de mise sur le marché ou l'autorisation temporaire d'utilisation d'un médicament peut classer celui-ci dans une ou plusieurs des catégories de prescription restreinte suivantes :
a) Médicament réservé à l'usage hospitalier (réserve hospitalière) ;
b) Médicament à prescription initiale hospitalière ;
c) Médicament nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement. »
7. La base de données Thériaque gérée par le Centre national hospitalier d'information sur le médicament (CNHIM) recensait, au 1er février 2002, 8 861 spécialités vendues aux hôpitaux, dont 2 047 sont des médicaments à prescription restreinte qui se répartissent ainsi dans les trois catégories existantes : 1 778 dans la réserve hospitalière, 191 médicaments à prescription initiale hospitalière et 78 médicaments sous surveillance particulière.
8. L'article 1er du projet de décret ajoute deux catégories supplémentaires : les « médicaments à prescription réservée à des médecins spécialistes » et les « médicaments à prescription hospitalière ».


B. - L'encadrement de la rétrocession hospitalière


9. Les médicaments rétrocédés sont actuellement pris en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire (AMO). Mais la facture adressée par les établissements de santé aux caisses d'assurance maladie ne comporte pas le détail des spécialités pharmaceutiques rétrocédées. Faute de codage du médicament à l'hôpital, on ne connaît pas la quantité et le chiffre d'affaires, par médicament, des spécialités qui font actuellement l'objet d'une rétrocession par les pharmacies hospitalières. On ne dispose que de données issues d'enquêtes auprès d'échantillons d'établissements.
10. La rétrocession hospitalière est en croissance très rapide et, selon la CNAMTS, cette croissance se poursuit en 2002. Dans son point de conjoncture n° 12 d'avril 2003, la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) souligne que « la dépense imputable à la rétrocession hospitalière continue d'augmenter et progresse à un rythme soutenu ». La CNAMTS donne les précisions suivantes : « En 2002, le régime général de l'assurance maladie a remboursé un peu plus de 1 milliard d'euros au titre de la rétrocession hospitalière, soit 7 % de la dépense totale annuelle de pharmacie. En outre, alors que la dépense relative aux médicaments rétrocédés a augmenté de 16,7 % entre 2000 et 2001, elle a crû de 30,7 % entre 2001 et 2002. Ainsi, la rétrocession hospitalière a progressé quatre fois plus vite que la dépense relative au marché du médicament remboursable (+ 7,4 % entre 2001 et 2002) et deux fois plus vite que l'année précédente. »
11. Ces chiffres sont établis en « date de remboursement du produit », le remboursement intervenant plusieurs mois (huit à dix mois dans 95 % des cas) après la délivrance des produits. La CNAMTS indique qu'en date de délivrance l'augmentation annuelle en 2002 devrait être du même ordre qu'en 2001, à savoir 25 %. A ce rythme, la dépense doublerait tous les trois ans.


Dépenses de médicaments en 2001
(ordre de grandeur en milliards d'euros)



Source : Cour des comptes (données SNIP et DGCP).
12. Selon les données du Syndicat national des industries pharmaceutiques (SNIP), le chiffre d'affaires total du médicament en France était d'environ 18,7 milliards d'euros en 2001, dont 3 milliards ont été réalisés à l'hôpital. La part des hôpitaux dans l'ensemble de la dépense en médicament s'est donc élevée à 16,3 % en 2001. Cette proportion a crû dans la dernière décennie (elle était d'environ 12 % en 1990). En 2001, la rétrocession a représenté environ 30 % de la dépense de médicament à l'hôpital et 5 % de la dépense totale (environ 900 millions d'euros).
13. Le professeur Claude Le Pen, dans un rapport rédigé à la demande du LEEM (cf. note 1) et daté du 22 juillet 2003, soutient que le développement de la rétrocession hospitalière a permis de réduire la durée des hospitalisations et de favoriser le traitement des patients à domicile. Un rapport récent de la Cour des comptes sur le médicament à l'hôpital indique au contraire qu'on ne dispose d'aucun élément à l'appui de la thèse selon laquelle le médicament à l'hôpital permettrait d'économiser des séjours. La question reste donc ouverte.


1. La liste positive de rétrocession


14. La loi du 8 décembre 1992 prévoit l'établissement d'une liste positive pour la rétrocession. L'article 2 du projet de décret (nouvel article R. 5104-109 dans le CSP) précise les modalités et les critères d'inscription...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT