Avis n° 2019-12 du 8 novembre 2019 du Conseil supérieur de l'audiovisuel sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0277 du 29 novembre 2019
Enactment Date08 novembre 2019
Record NumberJORFTEXT000039429683
CourtCONSEIL SUPERIEUR DE L'AUDIOVISUEL
Date de publication29 novembre 2019


Le Conseil supérieur de l'audiovisuel,
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 modifiée relative à la liberté de communication, notamment son article 9 ;
Vu la saisine pour avis, le 30 septembre 2019, par le Gouvernement, d'une part, d'un projet de loi organique modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et, d'autre part, d'un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique ;


Après en avoir délibéré,
Emet l'avis suivant :
Le projet de loi organique n'appelle pas d'observation de sa part.
Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique modifie de manière très substantielle la loi du 30 septembre 1986 pour l'adapter aux évolutions profondes du secteur de la communication audiovisuelle. Ce texte prévoit notamment la transposition de la nouvelle directive « services de médias audiovisuels » (SMA), une modernisation du dispositif de contribution des éditeurs de services de médias audiovisuel à la création, le renforcement des droits des auteurs et de la protection des œuvres, une nouvelle gouvernance de l'audiovisuel public, une modernisation de la régulation et la création d'un régulateur unique compétent sur l'ensemble de la chaîne de création, en cohérence avec d'autres évolutions législatives récentes ou à venir.
Ce projet marque ainsi avec force l'entrée dans une ère nouvelle de la régulation audiovisuelle, désormais étendue et adaptée à la communication numérique, tout en en confortant les grands objectifs et principes fondateurs.
Le Conseil, qui se félicite que le projet de loi confie un rôle central à l'autorité issue de la fusion du CSA et de l'HADOPI, l'ARCOM, souhaite formuler un certain nombre de remarques.


I. - Sur le développement et la diversité de la création et de la communication audiovisuelle
A. - Sur la modernisation du soutien à la création audiovisuelle et cinématographique


La contribution des éditeurs de services de médias audiovisuels au financement de la création, et particulièrement à la production d'œuvres patrimoniales, est un des fondements de notre souveraineté culturelle. Comme il a eu l'occasion de l'affirmer à plusieurs reprises, le Conseil estime que sa modernisation et son renforcement sont devenus indispensables en raison de la profonde transformation du paysage concurrentiel dans lequel évoluent les acteurs français et européens. Profondément attaché à la dimension culturelle qui irrigue depuis l'origine le modèle français de régulation, le Conseil rappelle l'importance de sa mission de contrôle des obligations des éditeurs de services de médias audiovisuels en matière de développement de la création. Il souligne également le caractère essentiel des objectifs sociétaux inscrits dans la loi du 30 septembre 1986.
Le Conseil se réjouit donc de l'extension de ce régime à tous les services de médias audiovisuels qui ciblent le territoire français. Il rappelle que, s'agissant de ceux établis dans l'Union européenne (UE) et l'Espace économique européen (EEE), cette extension est un acquis majeur de la directive SMA et que les régulateurs européens, réunis au sein de l'European Regulators Group for Audiovisual Media Services (ERGA), auront un rôle essentiel à jouer dans la bonne application de cette disposition. La directive a également arrêté le principe d'obligations d'exposition de la création européenne dans les catalogues des services de médias audiovisuels à la demande (SMAD) européens, dont le contrôle du respect sera assuré par le régulateur du pays d'établissement du service. Le CSA œuvrera au sein de l'ERGA en faveur d'une application la plus harmonisée possible de cette disposition, de manière à limiter les dissymétries de régulation par rapport aux règles applicables aux acteurs établis en France.
Le Conseil note avec une grande satisfaction la volonté de simplification du régime de contribution des éditeurs à la production des œuvres. L'intention manifestée par le Gouvernement est en effet de conforter la place accordée à la négociation professionnelle tout en évitant que le décret d'application de la loi, qui devrait englober toutes les catégories de services, doive être adapté au gré des accords interprofessionnels, comme c'est le cas actuellement. Il est toutefois difficile pour le Conseil d'apprécier pleinement la portée de la nouvelle architecture normative prévue par le projet de loi, faute de disposer du projet de décret. Au-delà de l'avis qu'il sera amené à rendre sur ce dernier texte et au regard de son importance dans l'économie du dispositif, le CSA souhaite être étroitement associé à son élaboration.
S'il ne lui revient donc pas, à ce stade, de se prononcer sur le détail des dispositions réglementaires, le Conseil considère nécessaire de poursuivre le mouvement de rééquilibrage des relations entre producteurs et éditeurs, notamment au bénéfice du financement des œuvres par les groupes audiovisuels nationaux, tout en fixant des règles adaptées aux opérateurs de vidéo à la demande par abonnement (VàDA) étrangers et en donnant toute sa place à la production indépendante, essentielle à la vitalité de notre création et à son rayonnement.
Il entend en outre réaffirmer sa conviction que la régulation est plus adaptée que la réglementation pour embrasser les problématiques d'un secteur en rapide mutation et à l'hétérogénéité croissante. Il salue de ce point de vue les avancées du projet de loi et sera attentif à ce que cette préoccupation, partagée par le Gouvernement, se traduise dans les faits afin de garantir l'efficacité et la pérennité du dispositif de soutien à la création.
Le Conseil s'interroge enfin sur le calendrier de mise en œuvre de ce nouveau régime, le Gouvernement semblant inviter les acteurs concernés à engager des négociations professionnelles parallèlement à la discussion du projet de loi et à l'élaboration du projet de décret.
Au-delà de ces remarques générales, le Conseil souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur un certain nombre de points déterminants relatifs aux articles 2, 4, 6 et 8 du projet de loi.
1° Sur le champ du nouveau dispositif de soutien à la création audiovisuelle :
Le projet de loi, en son article 2, assujettit les SMAD établis à l'étranger et visant la France au régime de contribution à la production d'œuvres cinématographiques et audiovisuelles ainsi que, pour ceux qui sont établis sur le territoire d'un Etat qui n'est ni membre de l'UE, ni partie à l'accord sur l'EEE, aux obligations de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986. Le dispositif ainsi mis en place va donc au-delà de la seule transposition de la directive SMA.
Le Conseil se félicite de l'instauration de ce nouveau régime qui permettra d'améliorer le financement de la création, de réduire l'asymétrie des obligations entre les services étrangers et nationaux et de lutter contre d'éventuelles stratégies de contournement d'opérateurs qui pourraient vouloir cibler le territoire français depuis des pays proches hors de l'UE et de l'EEE. Il lui semble toutefois nécessaire de lever certaines interrogations.
1. Le projet de texte prévoit que les services établis dans un autre Etat doivent viser le territoire français pour être assujettis à la contribution financière en France, alors que les services établis en France devraient viser spécifiquement un autre Etat membre pour que la contribution financière versée, le cas échéant, dans cet Etat membre soit prise en compte dans le calcul de sa contribution en France. Il apparaît nécessaire de remédier à une telle dissymétrie injustifiée et source de difficultés d'application du dispositif en supprimant le mot « spécifiquement » au 5e alinéa de l'article 2 du projet de loi.
2. Dès lors que l'intention en a été clairement affichée par le Gouvernement, il conviendrait d'inscrire expressément à l'article 2 que les SMAD établis hors de France sont soumis à un régime de conventionnement par l'ARCOM, afin d'assurer le respect de l'obligation de contribution financière prévue au 1° du I bis de l'article 33-1 de la loi du 30 septembre 1986.
3. Par ailleurs, si le principe du conventionnement devait s'appliquer aux services de télévision établis hors du territoire français, l'article 2 du projet de texte devrait là aussi le mentionner et, dans ce cas, l'article 43-7 de la loi du 30 septembre 1986 devrait être revu dès lors qu'il dispose que « Les services de télévision relevant de la compétence d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen et les services de télévision relevant de la compétence d'un autre Etat partie à la Convention européenne, du 5 mai 1989, précitée peuvent être diffusés par les réseaux n'utilisant pas des fréquences attribuées par le Conseil supérieur de l'audiovisuel sans formalité préalable ».
4. Le Conseil souligne les difficultés pratiques que pourrait rencontrer l'ARCOM dans l'identification de certains des services établis hors de France, de l'UE et de l'EEE et visant le territoire français, du fait notamment de l'éloignement géographique de leur éditeur.
Plus généralement, l'ARCOM devrait être dotée de prérogatives nouvelles lui permettant de tirer les conséquences d'une absence de conventionnement d'un service. Ainsi, il serait souhaitable qu'elle puisse demander au juge d'enjoindre à un distributeur de ne pas reprendre un service non conventionné, ce qui nécessiterait notamment de modifier l'article 42-10 de la loi du 30 septembre 1986, et qu'elle puisse s'opposer au plan de service d'un distributeur qui inclurait un tel service.
Le Conseil rappelle en revanche que ces services sont également disponibles sur l'internet ouvert (« over-the-top ») et, pour certains, dans les magasins d'application, et que les mesures qui seraient rendues nécessaires pour éviter leur mise à disposition des utilisateurs français seraient probablement disproportionnées et...

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