Avis n° HCFP-2020-4 du 8 juin 2020 relatif au troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0143 du 12 juin 2020
Record NumberJORFTEXT000041987492
Date de publication12 juin 2020
CourtHAUT CONSEIL DES FINANCES PUBLIQUES
Enactment Date08 juin 2020


Synthèse


L'incertitude élevée résultant de la crise sanitaire entraînée par l'épidémie de covid-19 amène de fréquentes révisions des prévisions macroéconomiques et des réponses apportées par le Gouvernement en termes de politiques et de finances publiques. Le Haut Conseil est ainsi appelé, pour la troisième fois en moins de trois mois, à rendre un avis sur un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020.


Le Haut Conseil note que le scénario du Gouvernement ne suppose plus, contrairement à celui présenté dans le précédent PLFR, un retour rapide à la normale de l'activité, mais prévoit que l'activité restera au second semestre nettement en dessous de son niveau de la fin 2019.
En conséquence, il considère prudente la prévision du Gouvernement d'un recul de l'activité de 11 % en 2020. Une poursuite de l'évolution favorable du contexte sanitaire et une utilisation plus forte au second semestre que retenu dans les hypothèses du gouvernement de l'épargne contrainte accumulée par les ménages pourraient conduire à une récession moins marquée.
Le Haut Conseil estime que l'emploi pourrait être un peu plus élevé que prévu par le Gouvernement, mais l'inflation, à l'inverse, un peu plus basse.


Le Haut Conseil note que la prévision de déficit du Gouvernement s'établit à 11,4 points de PIB, un niveau jamais atteint depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. La dégradation du déficit par rapport au précédent PLFR résulte de nouvelles dépenses, de la forte révision des hypothèses macroéconomiques et de prévisions plus réalistes pour certaines dépenses décidées auparavant.
Le Haut Conseil relève que des évolutions macroéconomiques plus favorables pourraient limiter le creusement du déficit public. En sens contraire, il souligne qu'une partie des mesures présentées comme des mesures de trésorerie pourrait finalement avoir un impact sur le déficit dès cette année et que toutes les mesures de soutien de l'activité annoncées par le Gouvernement, notamment certains plans sectoriels de relance, n'ont pas été traduites dans ce PLFR.
Il relève que le déficit structurel pour 2020, tel qu'estimé par le Gouvernement, serait identique à celui de 2019 (2,2 points de PIB) et s'écarterait significativement de la loi de programmation. Le déficit structurel pourrait en outre se révéler plus élevé que prévu dans ce 3e PLFR. En effet, certaines des dépenses liées à la crise sanitaire, considérées comme temporaires par le Gouvernement, pourraient être prolongées au-delà de 2020. Par ailleurs, l'évaluation du PIB potentiel risque d'être revue à la baisse en raison de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage et des conséquences de la hausse prévisible des faillites d'entreprises et de la baisse des investissements sur les capacités de production ainsi que de l'impact sur la productivité de la mise en œuvre durable des mesures de protection sanitaire.


Le Haut Conseil constate que la prévision du ratio de la dette publique au PIB est révisée de plus de 5 points par rapport au précédent PLFR et de 22 points par rapport à la loi de finances initiale. Ce ratio dépasserait ainsi 120 points de PIB à la fin de l'année 2020. Cette hausse massive, qui s'ajoute à une croissance quasi ininterrompue depuis 10 ans, fragilise la soutenabilité à moyen terme des finances publiques de la France et appelle une vigilance particulière.


Observations liminaires


1. Le Haut Conseil a adopté, après en avoir délibéré lors de sa séance du 8 juin 2020, le présent avis.


1. Sur le périmètre du présent avis


2. Le Haut Conseil des finances publiques a été saisi par le Gouvernement le 4 juin 2020, en application de l'article 15 de la loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, de l'article liminaire du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2020 pour rendre un avis sur les prévisions macroéconomiques associées ainsi que sur la cohérence de ce projet de loi avec la trajectoire pluriannuelle de solde structurel définie par la loi de programmation des finances publiques de janvier 2018 (LPFP).


2. Sur la méthode utilisée par le Haut Conseil


3. Afin d'apprécier le réalisme des prévisions macroéconomiques associées au projet de loi de finances rectificative, le Haut Conseil s'est fondé sur les dernières statistiques disponibles et sur les informations communiquées par le Gouvernement, dans sa saisine et dans les réponses aux questionnaires que leur a adressés le Haut Conseil.
4. Le Haut Conseil a procédé, comme le permet l'article 18 de la loi organique de 2012, aux auditions des représentants des administrations compétentes (direction générale du Trésor, direction du budget et direction de la sécurité sociale) à la suite de la saisine initiale. Il a de plus procédé aux auditions de représentants de l'INSEE, de la Direction de la recherche, des études et des statistiques (Dares), de la Banque de France, de Rexecode et de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Le Haut Conseil s'est également appuyé sur les travaux de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international (FMI), qui ont produit récemment des prévisions ou des analyses des effets économiques des mesures prises pour lutter contre la pandémie de coronavirus covid-19.


5. Comme le Haut Conseil l'avait relevé dans ses avis précédents relatifs aux deux premiers PLFR pour 2020 (1), la crise sanitaire se traduit par des incertitudes d'une ampleur inédite qui rendent difficile tout exercice de prévision économique et par des chocs qui suscitent des réponses budgétaires d'une portée inhabituelle.
6. Comme lors de son avis relatif au deuxième PLFR, le Haut Conseil note que ce troisième PLFR ne procède pas à un réexamen intégral des dépenses et des recettes des administrations publiques et qu'il ne marque vraisemblablement pas la fin du processus d'ajustement aux conséquences économiques de la crise sanitaire. Le Haut Conseil note que le Gouvernement n'a par ailleurs pas présenté de projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, malgré le surcroît prévu de dépenses de santé et la dégradation considérable de la situation financière de la sécurité sociale.
7. Après une présentation du contexte général (I), le Haut Conseil formule son appréciation d'une part sur les prévisions macroéconomiques sur lesquelles repose le projet de loi de finances rectificative (II) et d'autre part sur les prévisions de finances publiques associées (III).


I. - Une crise économique mondiale sans précédent


8. La crise sanitaire occasionnée par l'épidémie de covid-19 a touché l'ensemble de la planète. La mise en place de mesures de confinement visant à freiner l'épidémie a restreint l'activité de nombreux secteurs économiques et conduit à une récession d'une ampleur sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. Si les principales économies mondiales sont aujourd'hui sorties de la période de restriction stricte des déplacements et des activités économiques, le retour à la normale de l'activité ne s'effectue que graduellement.



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Note : le Oxford COVID-19 Government Response Tracker (OxCGRT) est un projet de suivi de l'évolution des mesures mises en place par les gouvernements pendant la période de propagation de l'épidémie de covid-19. Il consiste en un indice composite mesurant la rigueur de ces réponses à partir d'une série d'indicateurs (fermeture des écoles, restrictions de déplacement, etc.).
9. La plupart des économies à travers le monde ont ainsi été fortement affectées par la crise depuis le début de l'année. Son impact s'est fait ressentir dès le premier trimestre, avec des baisses de PIB de 9,8 % en Chine, 1,3 % aux Etats-Unis et 3,2 % au sein de l'Union européenne par rapport au quatrième trimestre 2019. L'impact sur les économies porte à la fois sur l'appareil productif dont le fonctionnement est entravé par les restrictions sanitaires et sur la demande adressée aux entreprises, dans un contexte de fortes incertitudes ressenties par les acteurs économiques.



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10. L'ensemble de la zone euro connaît une très forte contraction de son PIB au premier trimestre 2020, avec une baisse du PIB de 3,6 % par rapport au trimestre précédent. La baisse de l'activité présente une grande hétérogénéité entre pays. De possibles différences dans le recueil et le traitement des données existantes par les instituts statistiques fragilisent les comparaisons actuelles. Néanmoins, certains pays comme l'Allemagne et les Pays-Bas, moins touchés par la pandémie et, n'ayant pas mis en place des mesures de restrictions sanitaires aussi strictes que dans d'autres pays, semblent avoir connu des récessions moins prononcées que les pays comme l'Espagne, la France ou l'Italie plus affectés par l'épidémie et où les mesures de confinement ont été plus strictes.
11. La chute de PIB s'annonce nettement plus forte au deuxième trimestre dans la plupart des pays avec la mise à l'arrêt volontaire de pans entiers de l'économie, particulièrement en avril. De plus, l'activité ne se redresse que progressivement depuis que les mesures de restriction ont commencé à être levées.
12. Un rebond de l'activité est attendu par l'ensemble des prévisionnistes au second semestre, mais celle-ci devrait connaître au total une baisse très marquée sur l'ensemble de l'année 2020. Dans sa prévision de juin, la Banque centrale européenne estime ainsi que le PIB du monde hors zone euro se contracterait de 4,0 % sur l'ensemble de l'année 2020 et celui de la zone euro de 8,7 %.
13. Les conséquences économiques de la crise dans les pays de la zone euro ont toutefois été amorties par la...

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