Décision n° 08-38-17 du 13 juillet 2018 du comité de règlement des différends et des sanctions sur le différend qui oppose la société Joul à la société Enedis, relatif à la conclusion d'un contrat de prestations de gestion de clientèle en contrat unique

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0181 du 8 août 2018
Record NumberJORFTEXT000037302064
Date de publication08 août 2018
CourtCOMMISSION DE REGULATION DE L'ENERGIE
Enactment Date13 juillet 2018


Une demande de règlement de différend a été enregistrée le 4 avril 2017, sous le numéro 08-38-17, présentée par la société Joul à l'encontre de la société Enedis.
Elle est relative à la conclusion d'un contrat de prestations de gestion de clientèle en contrat unique.


Le comité de règlement des différends et des sanctions est saisi des faits suivants.
Par une délibération du 26 juillet 2012 portant communication relative à la gestion de clients en contrat unique, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a examiné les stipulations contractuelles envisagées par les sociétés Direct Energie et Enedis relatives à la rémunération du fournisseur pour certaines prestations de gestion de clientèle en contrat unique.
A cette occasion, la CRE a examiné un système de régulation asymétrique au profit des fournisseurs nouveaux entrants, fondé sur trois conditions cumulatives devant être réunies pour permettre la conclusion d'un tel contrat :


« - il doit être constaté un désavantage objectif aux dépens de l'opérateur arrivé le plus récemment ;
- la régulation devant compenser ce désavantage doit être temporaire ;
- la dissymétrie, ainsi organisée, doit être proportionnée à la différence de situation afin de corriger le déséquilibre. »


La CRE précisait qu'un tel contrat de prestations pour la gestion de clientèle en contrat unique pouvait être conclu avec d'autres fournisseurs nouveaux entrants placés dans une situation comparable à celle de la société Direct Energie. Enfin, la CRE indiquait que la rémunération versée par Enedis aux fournisseurs pour la gestion des clients finals ayant souscrit un contrat unique étant de nature à entrer dans le périmètre des charges couvertes par le Tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE), la CRE examinerait, à l'occasion de ses travaux tarifaires, la couverture des montants facturés à la société Enedis à ce titre.
Le 7 octobre 2014, la société GDF Suez a formé un recours gracieux tendant au retrait de cette délibération.
Par une délibération du 10 décembre 2014, la CRE a rejeté ce recours gracieux, estimant que la délibération attaquée était dépourvue de tout caractère décisoire et donc insusceptible de faire grief à la société GDF Suez.
Par une délibération du 3 mai 2016, la CRE a examiné un projet d'avenant au contrat de gestion de clientèle examiné en 2012. Ce projet avait pour effet de prolonger l'application de ce contrat arrivé à expiration le 30 septembre 2015.
Par une décision du 13 juillet 2016, le Conseil d'Etat a annulé la délibération du 10 décembre 2014 par laquelle la CRE a rejeté la demande présentée par la société GDF Suez tendant à l'abrogation de sa délibération du 26 juillet 2012.
Le Conseil d'Etat a jugé que « les stipulations des contrats conclus entre le gestionnaire de réseau et les fournisseurs d'électricité ne doivent pas laisser à la charge de ces derniers les coûts supportés par eux pour le compte du gestionnaire de réseau (…) la délibération attaquée indique qu'un contrat prévoyant une rémunération versée par le gestionnaire de réseau de distribution à un fournisseur au titre des frais de gestion des clients ayant conclu un contrat unique pourrait être conclu, de manière transitoire, par ce gestionnaire avec d'autres “fournisseurs nouveaux entrants” placés dans une situation comparable à la société Poweo Direct Energie au regard de leurs coûts de gestion de clientèle et de leur base de clients “énergie”, c'est-à-dire dont le nombre de clients ayant souscrit un contrat unique en électricité ou en gaz est inférieur à 1 750 000. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en prévoyant que ce type d'accord ne pouvait être que “transitoire”, et en en réservant le bénéfice à certains fournisseurs, alors qu'il prévoit le versement au fournisseur d'une compensation financière au titre de coûts supportés par lui pour le compte du gestionnaire, la CRE a méconnu les dispositions de l'article L. 121-92 du code de la consommation. »
Le 7 septembre 2016, la société Joul, qui intervient en tant que fournisseur d'électricité sur le marché de détail depuis le 1er juin 2016 sous la dénomination ekWateur, a demandé à la société Enedis la mise en place d'un contrat de prestations de services relatif à la gestion de clientèle. La société Joul demandait à la société Enedis de transmettre cette demande à la CRE.
Le 7 octobre 2016, la société Enedis a indiqué à la société Joul avoir transmis sa demande à la CRE pour examen.
Le 4 janvier 2017, la société Joul a écrit à la CRE en indiquant être toujours dans l'attente d'une réponse de la part des services de la CRE. La société Joul indiquait remplir parfaitement les conditions posées par la délibération du 26 juillet 2012 et que le retard dans la conclusion d'un contrat de prestations de services lui était préjudiciable et créait une discrimination par rapport aux fournisseurs alternatifs bénéficiant d'un tel contrat.
Par une délibération du 12 janvier 2017, la CRE a abrogé les délibérations du 26 juillet 2012 et du 3 mai 2016. Cette délibération précisait en outre « qu'en l'absence de recommandation spécifique ou d'encadrement par la CRE de cette rémunération, il appartient aux GRD et aux fournisseurs concernés de déterminer contractuellement le versement au fournisseur d'une compensation financière au titre des coûts qu'il supporte du fait des prestations effectuées pour le compte du GRD ».
Le 23 janvier 2017, la société Joul a indiqué à la société Enedis qu'il lui appartenait désormais de « rééquilibrer ce contrat » et lui a transmis une estimation des coûts de gestion de clientèle réalisée pour le compte d'Enedis.
Le 3 février 2017, la CRE a répondu à la société Joul, en lui rappelant les termes de la délibération du 12 janvier 2017.
Le 3 mars 2017, la société Joul a renouvelé sa demande auprès de la société Enedis et l'a informée qu'elle allait saisir le comité de règlement des différends et des sanctions, à défaut d'une réponse avant le 1er avril 2017.
Par courrier du même jour, la société Enedis a fait savoir à la société Joul qu'elle avait reçu une réponse de la CRE, indiquant qu'il « appartient aux GRD et aux fournisseurs concernés de déterminer contractuellement le versement au fournisseur d'une compensation financière au titre des coûts qu'il supporte du fait des prestations effectuées pour le compte du GRD », que la société Enedis contestait cette position et en avait informé la CRE.
Le 8 mars 2017, la société Joul a rappelé à Enedis que la délibération du 12 janvier 2017 lui « confère le rôle de déterminer contractuellement le versement au fournisseur d'une compensation financière au titre des coûts qu'il supporte du fait des prestations effectuées pour le compte du GRD » et lui a demandé une nouvelle fois « d'exécuter ce rôle ». La société Joul précisait que, sans changement de position de la part de la société Enedis avant le 1er avril 2017, celle-ci saisirait le comité de règlement des différends et des sanctions.


Vu la saisine, enregistrée le 4 avril 2017, sous le numéro 08-38-17, présentée par la société Joul, société par actions simplifiée, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 814 450 151, dont le siège social est situé au 55, rue du Faubourg Montmartre 75009 Paris, représentée par son représentant légal, ayant pour avocat Maître Mounir MEDDEB, 8, rue du Mont Thabor, 75001 Paris ;
Dans ses observations, la société Joul indique que la compétence du comité de règlement des différends et des sanctions est incontestable.
Sur le principe du bénéfice du contrat de prestations de services, la société Joul fait valoir qu'au moment où elle a formé sa demande de contrat de prestations de services, la délibération du 26 juillet 2012 était encore en vigueur et que, dans sa délibération du 12 janvier 2017, la CRE ne remet pas en cause le principe même de ces contrats de prestations de service, ni les conditions de leur conclusion ou encore le principe de la rémunération versée par la société Enedis au fournisseur.
En application du principe de non-discrimination, la société Enedis ne peut s'arroger un pouvoir discrétionnaire pour faire bénéficier tel fournisseur d'un contrat de prestations de services et le refuser à un autre.
Elle ajoute que la contestation par la société Enedis de la position de la CRE résultant de la délibération du 12 janvier 2017 ne peut faire obstacle au principe de l'obtention par les fournisseurs d'un contrat de prestations de services permettant le versement de la compensation financière due à ce titre. En effet, la société Joul continue vis-à-vis de ses clients à effectuer des prestations pour le compte de la société Enedis et continue à supporter des coûts sans pour autant recevoir aucune compensation financière.
Cette situation crée au détriment de la société Joul une double discrimination, à la fois vis-à-vis...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT