Décision n° 2015-713 DC du 23 juillet 2015

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0171 du 26 juillet 2015
Enactment Date23 juillet 2015
Record NumberJORFTEXT000030932147
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication26 juillet 2015


(LOI RELATIVE AU RENSEIGNEMENT)
Le Conseil constitutionnel a été saisi, le 25 juin 2015, sous le numéro 2015-713 DC, par le président du Sénat, dans les conditions prévues à l'article 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi relative au renseignement,
Et, le même jour, par le Président de la République,
Et, le même jour, par Mme Laure de LA RAUDIÈRE, M. Pierre LELLOUCHE, Mme Laurence ABEILLE, M. Eric ALAUZET, Mmes Brigitte ALLAIN, Isabelle ATTARD, Danielle AUROI, M. Denis BAUPIN, Mme Michèle BONNETON, M. Sergio CORONADO, Mmes Cécile DUFLOT, Véronique MASSONNEAU, Barbara POMPILI, M. Jean-Louis ROUMEGAS, Mme Eva SAS, MM. Damien ABAD, Elie ABOUD, Yves ALBARELLO, Julien AUBERT, Patrick BALKANY, Sylvain BERRIOS, Etienne BLANC, Xavier BRETON, Luc CHATEL, Gérard CHERPION, Alain CHRÉTIEN, Philippe COCHET, Jean-Louis COSTES, Marc-Philippe DAUBRESSE, Claude de GANAY, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Lucien DEGAUCHY, Patrick DEVEDJIAN, Nicolas DHUICQ, Mmes Sophie DION, Virginie DUBY-MULLER, MM. Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Hervé GAYMARD, Franck GILARD, Charles-Ange GINESY, Claude GOASGUEN, Jean-Pierre GORGES, Mmes Claude GREFF, Anne GROMMERCH, Arlette GROSSKOST, MM. Henri GUAINO, Jean-Jacques GUILLET, Antoine HERTH, Patrick HETZEL, Philippe HOUILLON, Denis JACQUAT, Jacques KOSSOWSKI, Mme Valérie LACROUTE, M. Jean-François LAMOUR, Mme Isabelle LE CALLENNEC, MM. Marc LE FUR, Bruno LE MAIRE, Alain LEBOEUF, Jean LEONETTI, Céleste LETT, Mme Véronique LOUWAGIE, MM. Lionnel LUCA, Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Hervé MARITON, Alain MARSAUD, Philippe ARMAND, Patrice MARTIN-LALANDE, Alain MARTY, Philippe MEUNIER, Pierre MORANGE, Yannick MOREAU, Pierre MOREL-A-L'HUISSIER, Alain MOYNE-BRESSAND, Mme Valérie PÉCRESSE, MM. Jacques PÉLISSARD, Bernard PERRUT, Jean-Frédéric POISSON, Mme Bérengère POLETTI, MM. Frédéric REISS, Franck RIESTER, Arnaud ROBINET, Martial SADDIER, Paul SALEN, Mme Claudine SCHMID, MM. Thierry SOLÈRE, Eric STRAUMANN, Alain SUGUENOT, Lionel TARDY, Jean-Charles TAUGOURDEAU, Michel VOISIN, Mmes Marie-Jo ZIMMERMANN, Véronique BESSE, MM. Gilbert COLLARD, Jean LASSALLE, Mme Marion MARÉCHAL-LE PEN, MM. Charles de COURSON, Yannick FAVENNEC, Jean-Christophe FROMANTIN, Maurice LEROY, Hervé MORIN, Arnaud RICHARD, Edouard PHILIPPE, Noël MAMÈRE et Jean-Claude MIGNON, députés.
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu le code de la défense ;
Vu le code des douanes ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code pénal ;
Vu le code des postes et des communications électroniques ;
Vu le code de la sécurité intérieure ;
Vu la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 7 juillet 2015 ;
Vu les observations en réplique présentées par les députés requérants, enregistrées le 21 juillet 2015 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;


1. Considérant que le Président de la République, le président du Sénat et plus de soixante députés défèrent au Conseil constitutionnel la loi relative au renseignement ; que le Président de la République demande au Conseil constitutionnel de se prononcer sur la conformité au droit au respect de la vie privée, à la liberté de communication et au droit à un recours juridictionnel effectif des articles L. 811-3, L. 821-5 à L. 821-7, L. 822-2 et L. 841-1 du code de la sécurité intérieure tels qu'ils résultent de l'article 2 de la loi, des articles L. 851-3, L. 851-5, L. 851-6 et du paragraphe II de l'article L. 852-1 du même code tels qu'ils résultent de l'article 5 de la loi, des articles L. 853-1 à L. 853-3 du même code tels qu'ils résultent de l'article 6 de la loi ainsi que des articles L. 773-2 à L. 773-7 du code de justice administrative tels qu'ils résultent de l'article 10 de la loi ; que le président du Sénat n'invoque à l'encontre de ce texte aucun grief particulier ; que les députés requérants contestent la conformité à la Constitution, et en particulier au droit au respect de la vie privée et à la liberté d'expression, des articles L. 811-3, L. 811-4, L. 821-1, L. 821-7 et L. 831-1 du code de la sécurité intérieure tels qu'ils résultent de l'article 2 de la loi, des articles L. 851-1 à L. 851-6 et de l'article L. 852-1 du même code tels qu'ils résultent de l'article 5 de la loi, des articles L. 853-1 à L. 853-3 et L. 854-1 du même code tels qu'ils résultent de l'article 6 de la loi ainsi que des articles L. 773-3 et L. 773-6 du code de justice administrative tels qu'ils résultent de l'article 10 de la loi ;
Sur les normes de référence :
2. Considérant qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ; qu'il incombe au législateur d'assurer la conciliation entre, d'une part, la prévention des atteintes à l'ordre public et des infractions, nécessaire à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle, et, d'autre part, l'exercice des droits et des libertés constitutionnellement garantis ; qu'au nombre de ces derniers figurent le droit au respect de la vie privée, l'inviolabilité du domicile et le secret des correspondances, protégés par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;
3. Considérant qu'en vertu de l'article 5 de la Constitution, le Président de la République est le garant de l'indépendance nationale et de l'intégrité du territoire ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 20 : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation » ; qu'en vertu de l'article 21, le Premier ministre « dirige l'action du Gouvernement » et « est responsable de la Défense nationale » ; que le secret de la défense nationale participe de la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation, au nombre desquels figurent l'indépendance de la Nation et l'intégrité du territoire ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi » ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la Déclaration de 1789 : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution » ; que sont garantis par cette disposition le droit des personnes intéressées à exercer un recours juridictionnel effectif, le droit à un procès équitable ainsi que le principe du contradictoire ;
Sur certaines dispositions de l'article 2 :
6. Considérant que l'article 2 de la loi déférée complète, par les titres Ier à IV, le livre VIII du code de la sécurité intérieure créé par l'article 1er de la même loi ; que le titre Ier est consacré aux dispositions générales et comprend les articles L. 811-1 à L. 811-4 ; que le titre II est consacré à la procédure applicable aux techniques de recueil de renseignement soumises à autorisation et comprend les articles L. 821-1 à L. 822-4 ; que le titre III est relatif à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement et comprend les articles L. 831-1 à L. 833-11 ; que le titre IV est consacré aux recours relatifs à la mise en œuvre des techniques de renseignement soumises à autorisation et des fichiers intéressant la sûreté de l'Etat et comprend les articles L. 841-1 et L. 841-2 ;
En ce qui concerne l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure :
7. Considérant que l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure énumère les finalités pour lesquelles les services spécialisés de renseignement peuvent recourir aux techniques définies aux articles L. 851-1 à L. 854-1 du même code tels qu'ils résultent des articles 5 et 6 de la loi déférée, pour le seul exercice de leurs missions respectives, afin de recueillir des renseignements ; que ces finalités correspondent à « la défense et la promotion des intérêts fondamentaux de la Nation suivants :
« 1° L'indépendance nationale, l'intégrité du territoire et la défense nationale ;
« 2° Les intérêts majeurs de la politique étrangère, l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et la prévention de toute forme d'ingérence étrangère ;
« 3° Les intérêts économiques, industriels et scientifiques majeurs de la France ;
« 4° La prévention du terrorisme ;
« 5° La prévention :
« a) Des atteintes à la forme républicaine des institutions ;
« b) Des actions tendant au maintien ou à la reconstitution de groupements dissous en application de l'article L. 212-1 ;
« c) Des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique ;
« 6° La prévention de la criminalité et de la délinquance organisées ;
« 7° La prévention de la prolifération des armes de destruction massive » ;
8. Considérant que les députés requérants font valoir que les finalités énumérées par le législateur sont trop larges, au regard des techniques de recueil de renseignement prévues par la loi déférée, et insuffisamment définies ; qu'il en résulterait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée ainsi qu'à la liberté d'expression ;
9. Considérant que le recueil de renseignement au moyen des techniques définies au titre V du livre VIII du code de la sécurité intérieure par les services spécialisés de renseignement pour l'exercice de leurs missions respectives relève de la seule police administrative ; qu'il ne peut donc avoir d'autre but que de préserver l'ordre public et de prévenir les infractions ; qu'il ne peut être mis en œuvre pour constater des infractions à la loi pénale, en rassembler les preuves ou en rechercher les auteurs ;
10. Considérant qu'en retenant, pour déterminer les finalités énumérées aux 1° à 4°, des définitions faisant référence à certains des intérêts...

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