Observations du Gouvernement sur la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0269 du 19 novembre 2016
Record NumberJORFTEXT000033419071
Date de publication19 novembre 2016


Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. - SUR LA PROCÉDURE D'ADOPTION DE LA LOI


A. - Les députés auteurs du recours considèrent que la procédure d'adoption de la loi a méconnu le principe de clarté et de sincérité du débat parlementaire par un usage excessif du droit d'amendement du Gouvernement lors de l'examen du texte en première lecture à l'Assemblée nationale et l'utilisation de la procédure accélérée. Les sénateurs requérants soutiennent également que la procédure accélérée a été utilisée de manière irrégulière et que le Gouvernement a méconnu l'obligation d'étude d'impact, l'examen par le Conseil d'Etat et la délibération par le conseil des ministres en recourant de manière excessive au droit d'amendement.
B. - Ces griefs ne pourront qu'être écartés.
1. Sur l'exercice du droit d'amendement du Gouvernement.
Le Conseil constitutionnel a, depuis la décision n° 2005-532 DC, une jurisprudence constante sur le droit d'amendement en première lecture. Il juge qu'il résulte de la combinaison de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, du premier alinéa des articles 34 et 39 de la Constitution, ainsi que de ses articles 40, 41, 44, 45, 47 et 47-1, que le droit d'amendement qui appartient aux membres du Parlement et au Gouvernement doit pouvoir s'exercer pleinement au cours de la première lecture des projets et des propositions de loi par chacune des deux assemblées. Le droit d'amendement ne saurait donc être limité, à ce stade de la procédure et dans le respect des exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, que par les règles de recevabilité ainsi que par la nécessité, pour un amendement, de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie.
On ne saurait donc soutenir, comme le font les députés et les sénateurs requérants, que l'introduction de dispositions nouvelles par voie d'amendement du Gouvernement en première lecture à l'Assemblée nationale entacherait d'irrégularité la procédure d'adoption de la loi déférée et porterait atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
Le Conseil constitutionnel juge également que les griefs tirés de la méconnaissance des exigences relatives aux projets de loi concernant leur présentation sont inopérants à l'encontre d'articles introduits par voie d'amendement (décision n° 2010-618 DC, cons. 8).
On ne peut donc utilement soutenir, comme le font les sénateurs requérants, que la procédure aurait été irrégulière, faute pour le Gouvernement d'avoir soumis les dispositions introduites par amendement en première lecture à une étude d'impact et à un avis du Conseil d'Etat.
2. Sur le recours à la procédure accélérée.
Le Conseil constitutionnel juge que le deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution permet au Gouvernement de faire part à tout moment de sa décision d'engager la procédure accélérée, dès lors que les Conférences des présidents des deux assemblées sont en mesure, avant le début de l'examen du texte en première lecture, d'exercer la prérogative qui leur est accordée de s'y opposer conjointement (décision n° 2009-582 DC, cons. 15).
Le Conseil constitutionnel a déjà été saisi de critiques faisant valoir que le recours à la procédure accélérée ne serait justifié par aucune urgence. Et il a jugé qu'aucune disposition constitutionnelle n'impose au Gouvernement de justifier l'engagement de la procédure accélérée. Dès lors que la procédure a été régulièrement engagée, son engagement n'a pas pour effet d'altérer la clarté et la sincérité du débat parlementaire (décision n° 2012-649 DC, cons. 4).
Les auteurs des saisines font valoir que le recours à la procédure accélérée ne serait pas justifié en mettant en avant le délai, pourtant assez court au regard des calendriers habituels de la procédure parlementaire, entre le dépôt du texte devant le Sénat, le 31 juillet 2015, et son examen en séance publique, le 5 novembre 2015.
Au regard de la jurisprudence constitutionnelle, ce grief est sans portée. Aucune disposition constitutionnelle n'impose au Gouvernement un délai maximal entre l'engagement de la procédure accélérée et la discussion du texte. La seule condition est que la procédure ait régulièrement été engagée par le Gouvernement pour permettre aux conférences des présidents de s'y opposer conjointement avant le début de l'examen du texte en première lecture. Or, tel a bien été le cas en l'espèce, le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée dès le dépôt du projet de loi au Sénat.
De la même manière, le recours à la procédure accélérée prévue à l'article 45 de la Constitution ne saurait remettre en cause le droit d'amendement en première lecture que le Gouvernement tire de l'article 44 de la Constitution.
Les auteurs des saisines ne peuvent donc utilement soutenir que le recours à la procédure accélérée aurait été irrégulier et qu'une commission mixte paritaire ne pouvait être convoquée à l'issue d'une seule lecture dans chaque chambre.
La loi déférée a donc été adoptée à l'issue d'une procédure régulière.


II. - SUR L'ARTICLE 3


A. - L'article 3 organise l'interopérabilité des réseaux des professions du droit.
Les sénateurs auteurs du recours estiment que ces dispositions n'ont pas leur place dans la loi déférée et qu'en les adoptant, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence et l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
B. - De tels griefs ne sauraient prospérer.
1. L'article litigieux a toute sa place dans la loi déférée.
Le projet de loi initial comportait des dispositions visant à faciliter l'accès des citoyens à la justice. L'article 2 du projet de loi créait ainsi un service d'accueil unique du justiciable reposant, en grande partie, sur la dématérialisation des procédures.
Il comportait également des dispositions sur les professions du droit permettant de simplifier les démarches des justiciables. L'article 16 renforçait le rôle du notaire en droit successoral en supprimant le recours systématique à la procédure d'envoi en possession devant le juge. L'article 51 étendait à l'ensemble des professions du droit la possibilité d'accomplir des formalités de publicité foncière sans recourir à l'acte authentique.
Les dispositions litigieuses imposent aux professions du droit et du chiffre d'utiliser avec leurs clients des systèmes permettant l'interopérabilité des échanges.
Ces différentes professions mettent à la disposition de leurs membres des systèmes de communication électronique qui permettent leur identification et un échange sécurisé de documents avec leurs clients. Mais ces systèmes reposent souvent sur des normes techniques spécifiques qui ne permettent pas aux professionnels du droit ou à leurs clients de transmettre ces documents à d'autres professionnels ou aux juridictions lors d'une procédure. Il en résulte des coûts financiers et de temps importants.
Les dispositions du I de l'article 3 imposent aux professions du droit et du chiffre de mettre en place des systèmes de communication et d'échanges de documents dans un format garantissant l'interopérabilité de l'ensemble des échanges. Les dispositions du II leur imposent de rendre librement accessibles les données figurant dans leurs annuaires et tables nationales de manière à garantir cette interopérabilité, notamment au moyen d'un standard ouvert et réutilisable, exploitable par un traitement automatisé.
L'article 3 permettra aux professionnels du droit et à leurs clients de communiquer facilement l'ensemble des documents produits à d'autres professionnels et aux juridictions. Il permettra également de mettre en place des annuaires électroniques permettant de communiquer avec l'ensemble des professionnels du droit et du chiffre. Ces annuaires pourront être utilisés par l'ensemble de ces professions mais aussi par les juridictions.
Ces dispositions sont donc en lien direct avec les dispositions contenues dans le projet de loi sur la modernisation des professions du droit et la facilitation des démarches des justiciables. Elles ont toute leur place dans la loi déférée.
2. Le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.
L'article impose à tous les professionnels qui mettent en place une relation numérique avec leurs clients de le faire dans un format garantissant l'interopérabilité des échanges.
La notion de relation numérique entre ces professions et leur clientèle est dénuée de toute ambiguïté. Elle couvre la communication et l'échange d'informations et de...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT