Observations du Gouvernement sur le recours dirigé contre la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0139 du 17 juin 2011
Record NumberJORFTEXT000024191884
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication17 juin 2011



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. - Sur la procédure d'adoption de la loi


A. ― Les députés requérants soutiennent que, faute qu'elle ait été convoquée dans les dix jours suivant le dépôt du projet de loi, la conférence des présidents de l'Assemblée nationale n'a pas été mise en mesure de se prononcer sur l'étude d'impact jointe à ce projet, en violation de l'article 9 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution.
Ils estiment également que la fixation, en première lecture à l'Assemblée nationale, d'un « temps législatif programmé » manifestement insuffisant et le refus par la conférence des présidents d'accorder un temps supplémentaire ont privé les députés de leur droit d'expression et d'amendement et méconnu les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.
B. ― Le Gouvernement ne partage pas ce point de vue.
1. En ce qui concerne le grief relatif au contenu de l'étude d'impact jointe au projet de loi, il sera observé que, si l'article 9 de la loi organique du 15 avril 2009 prévoit, conformément à l'article 39, alinéa 4, de la Constitution, que la conférence des présidents de l'assemblée sur le bureau de laquelle le projet de loi a été déposé « dispose d'un délai de dix jours suivant le dépôt » pour constater que les règles relatives notamment à cette étude d'impact ont été méconnues, ces dispositions n'imposent nullement que la conférence se réunisse systématiquement, en toute hypothèse, dans le délai de dix jours. Sa réunion ne pourrait en effet être regardée comme obligatoire que dans le cas où le président de l'Assemblée nationale aurait été saisi, en temps utile, d'une demande d'un président de groupe tendant à ce que la conférence soit réunie afin d'exercer les compétences qui lui sont reconnues par les mêmes dispositions, comme le prévoit l'article 47, paragraphe 2, du règlement de l'Assemblée nationale.
Or, au cas d'espèce, le projet de loi et l'étude d'impact l'accompagnant ont été mis en ligne sur le site de l'Assemblée nationale dès le vendredi 2 avril 2010 et rendus disponibles sur papier au service de la distribution le 6 avril au matin, laissant ainsi un délai suffisant aux membres de la conférence des présidents pour, le cas échéant, contester la conformité de l'étude d'impact aux prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009. Ils ont d'ailleurs eu la possibilité de le faire à l'occasion de la réunion de cette conférence qui, contrairement à ce qui est soutenu par les députés requérants, s'est tenue le 6 avril 2010, soit dans les dix jours du dépôt du projet de loi.
Enfin, s'il est vrai que le président du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » a contesté l'étude d'impact dans un courrier parvenu à la présidence de l'Assemblée nationale le 12 avril suivant, cette demande était tardive. En effet, le délai de dix jours imparti par l'article 9 de la loi organique du 15 avril 2009 n'est suspendu, conformément au second alinéa de cet article, que dans le cas où le Parlement n'est pas en session. Or le Parlement était à l'époque en session, la circonstance que l'Assemblée nationale a interrompu ses travaux pendant la période du 12 au 25 avril 2010 étant sans incidence à cet égard.
2. En ce qui concerne le grief tiré des conditions dans lesquelles a été mise en œuvre, en première lecture à l'Assemblée nationale, la procédure dite du « temps législatif programmé », les députés requérants rappellent à juste titre que le Conseil constitutionnel a jugé, dans sa décision n° 2009-581 DC du 25 juin 2009, que, « lorsqu'une durée maximale est décidée pour l'examen de l'ensemble d'un texte, cette durée ne saurait être fixée de telle manière qu'elle prive d'effet les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire ». Dans le cas où la durée maximale initialement fixée se révèlerait insuffisante au regard de ces exigences, l'article 49, paragraphe 12, du règlement de l'Assemblée nationale permet ainsi à la conférence des présidents d'augmenter celle-ci.
Au cas d'espèce, toutefois, les députés requérants ne démontrent pas que la durée maximale initialement fixée pour l'examen du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité était, eu égard à la teneur de ce projet, manifestement insuffisante. En particulier, la seule circonstance que les membres du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » ont épuisé leur temps de parole au cours de la deuxième séance du 7 octobre 2010, qui était la treizième consacrée à l'examen du projet de loi, ne suffit pas à apporter une telle démonstration. Elle traduit seulement, de l'avis du Gouvernement, le choix fait par les députés membres de ce groupe de consacrer une part substantielle du temps qui leur était imparti à la discussion de certains articles du projet de loi examinés lors des séances précédentes. Que ce choix se traduise par une réduction corrélative du temps dont les députés concernés ont disposé lors de la discussion des articles suivants est une conséquence inhérente à la logique même du « temps législatif programmé ».
Les députés requérants font certes valoir que la durée maximale initialement fixée n'a pas été augmentée pour tenir compte, notamment, de l'accroissement substantiel du volume du projet de loi lors de son examen en commission. Ils soulignent, à cet égard, que le président du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » a demandé en vain au président de l'Assemblée nationale, par un courrier du 4 octobre 2010, l'augmentation de la durée maximale d'examen du projet de loi.
Toutefois, alors que, à deux reprises, cette question aurait pu être abordée en conférence des présidents, conformément à l'article 49, paragraphe 12, du règlement de l'Assemblée nationale, aucun représentant du groupe « socialiste, radical, citoyen et divers gauche » n'a participé à ces réunions.
Dans ces conditions, le Gouvernement estime que les conditions dans lesquelles a été mise en œuvre la procédure du « temps législatif programmé » n'ont pas porté atteinte aux exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire, non plus qu'au droit d'expression et d'amendement des députés.


II. - Sur l'article 2


A. ― Les auteurs des saisines font grief au législateur d'avoir, par l'article 2 de la loi déférée, méconnu l'étendue de sa compétence en renvoyant à un décret en Conseil d'Etat, à l'article 21-24 du code civil, le soin d'approuver la charte des droits et devoirs du citoyen français que tout candidat à la naturalisation doit signer.
B. ― Ce grief ne pourra être retenu par le Conseil constitutionnel.
Il n'est certes pas contestable que, dans son principe, l'obligation faite à tout candidat à la naturalisation de signer la charte des droits et devoirs du citoyen français, qui constitue une condition d'acquisition de la nationalité française, relève du domaine de la loi, à laquelle l'article 34 de la Constitution réserve la compétence pour fixer les règles concernant la nationalité.
Le législateur pouvait en revanche, sans méconnaître l'étendue de sa compétence, renvoyer au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge administratif, le soin de mettre en œuvre cette règle en approuvant la charte, dès lors qu'il en avait lui-même déterminé le contenu avec une précision suffisante. En effet, la disposition litigieuse prévoit que la charte des droits et devoirs du citoyen français devra se borner à rappeler les « principes, valeurs et symboles essentiels de la République française ». La charte, dont la rédaction sera confiée à un conseil composé de parlementaires, de juristes ou encore d'historiens, ne pourra donc contenir que le rappel de principes ou symboles consacrés par le droit positif ― notamment au niveau constitutionnel ― et de valeurs dont ce droit constitue indiscutablement l'expression.
L'approbation d'un tel document, qui ne met en cause aucune règle ou principe dont la fixation ressortit au législateur, pouvait ainsi être confiée à un décret en Conseil d'Etat.


III. - Sur l'article 4


A. ― L'article 4 de la loi déférée insère dans le code civil un article 21-27-1 selon lequel : « Lors de son acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique ou par déclaration, l'intéressé indique à l'autorité compétente la ou les nationalités qu'il possède déjà, la ou les nationalités qu'il conserve en plus de la nationalité française ainsi que la ou les nationalités auxquelles il entend renoncer. » Les auteurs des saisines soutiennent que ces dispositions instituent entre les Français, selon qu'ils se sont vu attribuer la nationalité française à leur naissance ou l'ont acquise postérieurement, une différence de traitement contraire à la Constitution, et qu'elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'elles imposent aux intéressés une obligation qui ne dépend pas de leur volonté.
B. - Ces griefs ne sont pas fondés.
D'une part, en effet, la disposition contestée a pour seul objet de favoriser une meilleure connaissance du phénomène des nationalités multiples à l'occasion des démarches qu'accomplissent nécessairement les ressortissants étrangers souhaitant acquérir la nationalité française, que ce soit par décision de l'autorité publique ou par déclaration. Or, au regard de cet objet, il existe, entre ces ressortissants, qui accomplissent une démarche volontaire, et les Français de naissance qui possèdent par ailleurs la nationalité d'un ou plusieurs autres Etats, une différence de situation objective justifiant la différence de traitement critiquée.
D'autre part, il ressort clairement des travaux parlementaires que la formalité déclarative en question, qui poursuit une finalité exclusivement statistique et...

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