Observations du Gouvernement sur la loi relative à la consommation

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0065 du 18 mars 2014
Record NumberJORFTEXT000028739452
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication18 mars 2014



Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs de recours dirigés contre la loi relative à la consommation.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. ― Sur les articles 1er et 2


A. ― Les articles 1er et 2 de la loi déférée créent une procédure d'action de groupe applicable dans les litiges de consommation.
Les députés et les sénateurs auteurs des recours estiment que ces articles portent atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et aux droits de la défense, garantis par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Les députés requérants estiment également que ces dispositions portent atteinte au principe de non-rétroactivité des sanctions pénales. Les sénateurs requérants considèrent, pour leur part, que ces dispositions portent atteinte à la liberté personnelle des consommateurs et à la présomption d'innocence.
B. ― Le Gouvernement estime que ces griefs ne sont pas fondés.
1. Sur le droit à un recours juridictionnel effectif et le respect de la liberté personnelle
L'action de groupe ordinaire sera introduite par une association agréée de consommateurs qui interviendra au nom de consommateurs placés dans une situation identique ou similaire à l'égard d'un manquement d'un ou de plusieurs professionnels.
Dans une première phase, le juge statuera, au vu des cas présentés par l'association, sur le principe de la responsabilité du professionnel, sur la définition du groupe des consommateurs concernés et sur l'évaluation des préjudices. Ce jugement fixera les modalités d'information des consommateurs.
Dans une deuxième phase, une fois que le jugement ne sera plus susceptible de recours ordinaires, les consommateurs concernés se déclareront et pourront bénéficier d'une indemnisation amiable.
Une troisième phase, correspondant à une deuxième étape judiciaire, permettra au juge de statuer sur les difficultés d'exécution du jugement soulevées par l'association ou le professionnel qui pourront porter sur l'appartenance de certains consommateurs au groupe ou sur les modalités d'indemnisation.
Une phase d'exécution forcée pourra intervenir si nécessaire à l'initiative de l'association si le professionnel refuse d'appliquer le deuxième jugement.
Le Conseil constitutionnel a jugé qu'il était loisible au législateur de permettre à des organisations syndicales d'introduire une action en justice en faveur d'un salarié sans avoir à justifier d'un mandat « à la condition que l'intéressé ait été mis à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause et qu'il puisse conserver la liberté de conduire personnellement la défense de ses intérêts et de mettre un terme à son action » (décision n° 89-257 DC du 25 juillet 1989, cons. 24).
La procédure créée par la loi déférée repose sur une adhésion des consommateurs au groupe défini par le premier jugement rendu. L'article L. 423-5 du code de la consommation prévoit que cette adhésion donne mandat aux fins d'indemnisation à l'association requérante.
Contrairement à ce que soutiennent les sénateurs requérants, l'action de groupe simplifiée créée par la loi déférée ne dispense pas les consommateurs potentiellement concernés d'exprimer leur volonté de se joindre à l'action.
Cette procédure vise à obtenir un traitement accéléré des contentieux d'une procédure d'action de groupe dès lors que l'identité et le nombre des consommateurs lésés peut être connu au moment où la décision est rendue au fond et que les préjudices subis par ces consommateurs sont d'un même montant ou d'un montant identique par prestation rendue ou par référence à une période ou à une durée.
Dans ce cas, le juge pourra prévoir, dans sa première décision, que le professionnel peut assurer l'indemnisation des consommateurs directement et individuellement sans passer par l'intermédiaire de l'association requérante et sans qu'il y ait lieu de définir des mesures d'information des consommateurs susceptibles d'être concernés (puisque ces derniers sont connus du professionnel). Cette possibilité permettra de réduire la longueur et le coût de la phase de gestion des demandes d'indemnisation.
Dans le cadre de la procédure simplifiée, le deuxième alinéa de l'article L. 423-10 du code de la consommation prévoit que les consommateurs recevront une information individuelle à la suite du premier jugement rendu et devront accepter d'être indemnisés dans les termes de cette décision.
Ainsi, que la procédure simplifiée s'applique ou pas, les personnes qui ne souhaiteront pas rejoindre l'action de groupe pourront librement engager une instance à l'encontre du professionnel sans être liées par la décision rendue sur la demande de l'association agréée de consommateurs.
Il sera également loisible au consommateur de retrouver son droit d'action s'il décide de révoquer expressément le mandat qui le lie à l'association avant d'avoir été effectivement indemnisé.
L'article 1er de la loi déférée ne porte donc atteinte ni au droit à un recours juridictionnel effectif ni au respect de la liberté personnelle.
2. Sur le respect des droits de la défense, du principe du contradictoire et du droit à un procès équitable
Les auteurs des saisines soutiennent que la procédure d'action de groupe méconnaît les droits de la défense car le professionnel pourra voir sa responsabilité engagée à l'encontre de consommateurs sans pouvoir opposer certaines spécificités liées à leur comportement ou à leur situation, le groupe n'étant pas constitué préalablement à l'introduction de l'instance.
Un tel grief ne pourra qu'être écarté.
L'article L. 423-1 du code de la consommation subordonne la recevabilité de l'action de groupe à l'existence de consommateurs placés dans une situation identique ou similaire à l'égard d'un manquement d'un ou de plusieurs professionnels. Comme le prévoit l'article L. 423-3, l'association de consommateurs agréée devra présenter des cas individuels pour permettre au juge de constater que les conditions de recevabilité de l'action sont réunies.
L'article L. 423-1 prévoit par ailleurs que l'action de groupe est ouverte en matière de consommation et n'est destinée qu'à la seule indemnisation des préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels.
Compte tenu du champ d'application de l'action de groupe, dans le cadre du débat contradictoire devant le juge, le professionnel pourra s'appuyer sur la connaissance de ses clients pour que soient définis de la manière la plus précise possible le groupe des consommateurs à l'égard duquel sa responsabilité est engagée et les modalités d'évaluation des préjudices susceptibles d'être réparés.
Il pourra ainsi développer tout moyen pour que la définition du groupe écarte un ensemble de consommateurs (par exemple, en demandant que la définition du groupe s'appuie sur telle date de conclusion du contrat ou sur la condition de paiement effectif d'un abonnement). Il pourra également faire valoir ses arguments pour que l'indemnisation des préjudices tienne compte de la valeur réelle du produit ou des conditions particulières dans lesquelles il a été acquis.
S'il estime que les critères retenus par le juge pour définir le groupe ou les préjudices ne sont pas adéquats, le professionnel dont la responsabilité est établie par le premier jugement rendu au fond pourra exercer les voies de recours ouvertes à l'encontre de ce jugement.
La décision sur la responsabilité, même définitive, n'aura vis-à-vis du professionnel que l'autorité de la chose jugée relativement aux points qu'elle tranche. Le professionnel ne pourra plus contester le principe de l'engagement de sa responsabilité vis-à-vis d'un groupe de personnes susceptible d'avoir subi un dommage. Il pourra, en revanche, lors de la phase de liquidation, contester l'indemnisation d'un consommateur pour un motif propre à ce dernier.
Comme indiqué précédemment, l'article L. 423-12 du code de la consommation prévoit ainsi une deuxième phase judiciaire durant laquelle le juge statue sur les difficultés qui s'élèvent à l'occasion de la mise en œuvre du premier jugement. Le professionnel pourra ainsi faire valoir tout moyen de défense propre à la situation d'un consommateur donné qui n'aurait pas été identifié au moment du premier jugement.
L'absence de définition précise et identifiée du groupe ab initio ne porte donc aucune atteinte aux droits de la défense appréciés sur l'ensemble de la procédure d'action de groupe.
La procédure simplifiée prévue à l'article L. 423-10 du code de la consommation ne déroge pas à ces principes.
Cette procédure vise à obtenir un traitement accéléré des contentieux d'une procédure d'action de groupe dès lors que l'identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus au moment où la décision est rendue au fond et que les préjudices subis par ces consommateurs sont d'un même montant ou d'un montant identique par prestation rendue ou par référence à une période ou à une durée.
Elle permettra au juge de prévoir, dans sa première décision, que le professionnel pourra assurer l'indemnisation des consommateurs directement et individuellement sans passer par l'intermédiaire de l'association requérante. Cette possibilité permettra de réduire la longueur et le coût de la phase de gestion des demandes d'indemnisation.
Cette procédure accélérée ne déroge pas aux dispositions de l'article L. 423-12 du code de la consommation. Le professionnel pourra ainsi faire valoir toute difficulté d'exécution du jugement à l'égard d'un consommateur donné lors de la phase de liquidation.
De la même manière, la faculté que, dans le domaine de la concurrence, une action de groupe puisse être engagée, en application de l'article L. 423-17 du code de la consommation avant que la décision des autorités de la concurrence ne soit devenue définitive ne peut être regardée comme portant atteinte aux droits de la défense.
Une telle procédure ne pourra qu'être introduite à des fins conservatoires pour permettre de...

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