Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances pour 2011

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0302 du 30 décembre 2010
Date de publication30 décembre 2010
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000023316984



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours identiques dirigés contre la loi de finances pour 2011.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


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I. ― Sur les articles 21, 22 et 35


A. ― Sur les articles 21 et 22.
1. Les auteurs des saisines font grief à ces articles d'avoir été placés à tort en première partie de la loi de finances, ce qui entacherait d'irrégularité la procédure d'adoption de la loi ou tout au moins celle de ces articles.
2. Le Gouvernement est d'une opinion différente.
a) La place des articles 21 et 22 de la loi de finances pour 2011 ne peut être discutée indépendamment de celle de l'article 23. En effet, ces trois articles concourent à un même objectif : dégager, des recettes nouvelles pour financer l'équilibre global des régimes de sécurité sociale.
S'agissant de dispositions relatives à l'assiette, au taux et aux modalités de recouvrement d'impositions de toutes natures, ces trois articles ont indiscutablement leur place en loi de finances.
Il ne fait par ailleurs pas de doute que l'article 23 devait, pour sa part, être inscrit en première partie de la loi de finances, en vertu du 2° du I de l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), lequel impose que figurent en première partie les dispositions relatives aux ressources de l'Etat qui affectent l'équilibre budgétaire. Or, cette mesure a pour effet, ainsi que cela est indiqué dans l'évaluation préalable annexée, de majorer de 200 millions d'euros les recettes de l'Etat au titre de l'année 2011.
Ne pas inscrire l'article 23 en première partie aurait constitué une entorse aux règles de procédure fixées aux articles 42 et 43 de la LOLF.
Pris globalement, les trois articles 21, 22 et 23 ont pour objectif de dégager des financements nouveaux devant concourir, in fine, au remboursement de la dette sociale. Leur rendement financier cumulé atteindra en 2011 un montant de près de 3,6 MdEUR de recettes nouvelles affectées aux administrations de sécurité sociale ainsi qu'il est indiqué dans leurs évaluations préalables.
Au regard de l'enjeu financier important qu'elles représentent, un examen conjoint de ces trois dispositions était souhaitable et même nécessaire. En effet, s'agissant du financement de la dette sociale, l'enjeu ne portait pas exclusivement sur le choix de telle ou telle ressource nouvelle mais bien sur les conditions globales de l'équilibre financier de la Caisse d'amortissement de la dette sociale. Un examen conjoint devait donc permettre d'éclairer le vote du Parlement sur l'équilibre proposé par le Gouvernement et ainsi permettre aux parlementaires d'exercer pleinement leur droit d'amendement au regard de cet objectif partagé.
Il faut signaler enfin que, dans les circonstances particulières de l'espèce, des contraintes liées au calendrier d'adoption d'autres lois conjointement en cours d'examen au Parlement justifiaient également l'inscription en première partie des articles en question. Il s'agissait ici de permettre au Parlement de voter ensuite, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, la reprise par la CADES des dettes cumulées et à venir des différentes branches de la sécurité sociale dans le nouveau cadre fixé par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale et d'assurer par ailleurs que l'équilibre propre des régimes ne soit pas dégradé.
b) En tout état de cause, le choix retenu par le Gouvernement et validé par le législateur n'a conduit à aucune méconnaissance des principes régissant l'examen du projet de loi de finances.
Les articles 34, 42 et 43 de la LOLF énoncent une logique d'ensemble dans l'examen du projet de loi de finances : les recettes doivent être examinées en premier lieu, afin de dégager un équilibre reposant sur la confrontation de ces recettes avec un plafond total de dépenses. La répartition du plafond de ces dépenses est ensuite discutée en seconde partie.
La répartition des dispositions entre première et seconde parties prévue par la LOLF vise ainsi avant tout à proscrire la discussion et le vote en seconde partie de dispositions affectant les grandes lignes de l'équilibre budgétaire. Cette logique épouse celle dégagée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 79-110 DC du 24 décembre 1979.
Au total, le Gouvernement est ainsi d'avis que si les dispositions de nature fiscale sans impact sur l'équilibre doivent en principe être examinées en seconde partie, cette règle ne doit pas être lue comme revêtant un caractère inconditionnel et absolu. Elle doit être appliquée en tenant compte de l'objectif de clarté des débats parlementaires, dans le respect du principe selon lequel aucune disposition affectant les grandes lignes de l'équilibre budgétaire ne doit être mise en discussion après le vote de la première partie.
c) A supposer même qu'une lecture plus stricte de l'article 34 de la LOLF soit retenue, il convient d'observer que les articles 21 et 22 revêtent un impact sur l'équilibre de la loi de finances pour 2011, bien que dans des proportions réduites :
― l'article 21 met fin à une exonération de taxe sur les conventions d'assurance et conduit ainsi à une augmentation des frais d'assiette et de recouvrement perçus par l'Etat en 2011, même en cas d'affectation de la recette à un tiers ;
― l'article 22 aménage, pour sa part, les règles d'imposition aux prélèvements sociaux de la part en euros des contrats d'assurance-vie multisupports ; or, les prélèvements sociaux sur les revenus de placement sont perçus par le réseau du Trésor (contrairement aux prélèvements sur les revenus d'activité) et cette perception donne également lieu à des frais de gestion.
B. ― Sur l'article 351.
1. Les auteurs des saisines font grief à cet article, qui a pour objet notamment d'instaurer une catégorie particulière d'imposition, soumise à un barème propre, pour tenir compte des spécificités économiques des chaînes auto-distribuées, d'avoir été adopté, lui aussi, selon une procédure contraire à l'article 34 de la LOLF et de méconnaître le principe d'égalité.
2. Ces griefs pourront être écartés.
a) Sur l'inscription de l'article en première partie de la loi de finances.
L'article 35 adapte l'assiette et majore un des taux de la taxe sur les éditeurs et distributeurs de services de télévision prévue aux articles L. 115-6 à L. 115-13 du code du cinéma et de l'image animée et perçue au profit du Centre national du cinéma et de l'image animée. Corrélativement, il prévoit un prélèvement au profit de l'Etat de 20 millions d'euros sur le produit des ressources de cet organisme.
A l'origine, l'adaptation de la taxe figurait dans le projet initial en raison du lien direct qu'elle présente avec une autre disposition de première partie, à savoir la suppression du taux réduit de TVA sur les offres composites de services électroniques.
Le prélèvement de 20 millions d'euros a ensuite été introduit lors des débats au Parlement. Mais dès lors que ce prélèvement a pour objet de réguler le financement du CNC en transférant à l'Etat le bénéfice d'une partie de la majoration, ces deux mesures présentent aussi pour cette raison un lien indissociable et trouvent ainsi toutes deux leur place en première partie.
b) Sur le respect du principe d'égalité.
L'objet de la taxe sur les distributeurs ― tout comme celle sur les éditeurs ― est d'alimenter le régime d'aide à la création et à la production de programmes constitués d'œuvres audiovisuelles et cinématographiques.
Le fondement du régime fiscal en cause est que tout opérateur de télévision développant des programmes ou les valorisant auprès des consommateurs doit contribuer au financement de la création et de la production de ces programmes.
i) Rien ne fait obstacle, au regard du principe d'égalité, à ce que cette contribution soit différente quant...

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