Observations du Gouvernement sur les recours contre la loi relative à la sécurisation de l'emploi

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0138 du 16 juin 2013
Date de publication16 juin 2013
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000027547116



Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante sénateurs et par plus de soixante députés de recours dirigés contre la loi relative à la sécurisation de l'emploi.
Ils appellent de la part du Gouvernement les observations suivantes.
I. ― Sur l'article 1er :
Les députés et les sénateurs auteurs du recours estiment que les dispositions du 2° du A du I et du 2° du II de l'article 1er, combinées à l'article L. 912-1 du code de la sécurité sociale (CSS), portent une atteinte excessive à la liberté contractuelle, à la liberté d'entreprendre, à la liberté de la concurrence ainsi qu'au droit des travailleurs de déterminer collectivement leurs conditions de travail garanti par le huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946. Ils considèrent par ailleurs que la procédure de publicité et de mise en concurrence, qu'un décret mettra en œuvre, ne suffit pas à garantir l'égalité entre les différentes catégories d'organismes assureurs.
1. Le Gouvernement entend d'abord préciser la portée des dispositions de l'article 1er de la loi déférée et celle de l'actuel article L. 912-1 du CSS.
1.1. La loi déférée, en son article 1er, requiert que les organisations liées par une convention de branche ― ou, à défaut, par des accords professionnels ― engagent une négociation « afin de permettre aux salariés qui ne bénéficient pas d'une couverture collective à adhésion obligatoire en matière de remboursements complémentaires de frais occasionnés par une maladie, une maternité ou un accident dont chacune des catégories de garanties et la part de financement assurée par l'employeur sont au moins aussi favorables que pour la couverture minimale au niveau de leur branche ou de leur entreprise, d'accéder à une telle couverture avant le 1er janvier 2016 ». Pour atteindre cet objectif, la négociation doit porter sur plusieurs sujets, dont notamment « les modalités de choix de l'assureur » aux termes du 2° du A du II. Il est précisé que « la négociation examine en particulier les conditions, notamment tarifaires, dans lesquelles les entreprises peuvent retenir le ou les organismes assureurs de leur choix, sans méconnaître les objectifs de couverture effective de l'ensemble des salariés des entreprises de la branche et d'accès universel à la santé ».
Il s'agit donc d'une obligation de négociation, qui ne préjuge pas de son résultat.
1.2. Ce dernier peut emporter vis-à-vis des entreprises entrant dans le champ d'application de la convention collective des conséquences différentes en fonction du degré de « mutualisation » du régime.
Les partenaires sociaux peuvent d'abord opter pour l'option la plus générale : l'accord se limitera alors à imposer un financement minimal de l'employeur ou à définir les garanties qui doivent être offertes. Les entreprises peuvent dans ce cas souscrire un contrat d'assurance auprès de l'organisme assureur de leur choix. Ils peuvent aussi aller un peu au-delà, en invitant les entreprises à souscrire leurs garanties auprès d'un ou plusieurs organismes présélectionnés. Il s'agit d'une clause non contraignante, dite de « recommandation ».
Dans ces deux hypothèses, l'accord, qui ne fixe pas de tarif d'assurance, ne comporte aucune « mutualisation » obligatoire du risque entre les entreprises de la branche. Il se borne à définir une obligation en termes de taux de financement minimal et/ou de couverture pour les entreprises. Il n'existe pas un seul régime unique et chaque entreprise se voit appliquer un taux de cotisation différent en fonction du risque qui est le sien.
L'article 1er, notamment le 2° du A du I, ouvre aux partenaires sociaux la possibilité de s'inscrire dans cette démarche de libre choix par l'entreprise de son assureur ou de recommandation.
1.3. Les partenaires sociaux peuvent aussi décider de mettre en place un régime unique mutualisant la prise en charge du risque au niveau de la branche auprès d'un seul organisme. L'accord contient alors une clause dite de « désignation » qui consiste à désigner un assureur unique ou un groupe d'assureurs auprès duquel les entreprises sont tenues de s'affilier pour souscrire les garanties définies par l'accord.
Si les accords pris pour l'application de l'obligation de négociation posée par l'article 1er de la loi déférée pourront le cas échéant contenir une telle clause, ni le principe ni les modalités d'un tel mécanisme de mutualisation ne résultent toutefois de la loi déférée. Ils existent déjà à l'article L. 912-1 du CSS issu de la loi n° 94-678 du 8 août 1994 (art. 2-II).
Cet article autorise les accords imposant une mutualisation des risques de toutes les entreprises entrant dans leur champ auprès d'un organisme unique d'assurance, à la double condition de prévoir une procédure de revoyure tous les cinq ans (alinéa 1), et, pour les entreprises qui avaient déjà souscrit un contrat auprès d'un organisme différent pour garantir les mêmes risques à un niveau équivalent ou inférieur antérieurement à la date d'effet de l'accord, de les adapter aux exigences de l'accord de branche (alinéa 2).
S'agissant des entreprises qui peuvent être couvertes, à la date de l'accord collectif, par des garanties supérieures, la mutualisation peut prendre deux formes différentes. L'accord peut soit prévoir que ces entreprises peuvent conserver leur adhésion auprès de leur assureur actuel ― de sorte qu'elles ne participent pas à la mutualisation ― soit obliger ces entreprises à rejoindre l'organisme assureur désigné. On parle dans ce cas de « clause de migration obligatoire », la déclinaison la plus stricte des clauses de désignation puisqu'elle oblige toutes les entreprises, même celles avec des garanties supérieures, à rejoindre l'assureur désigné (voir Cass. soc., 10 octobre 2007, RJS 2007, n° 1324).
Ce mécanisme de désignation d'un assureur ou d'un groupement d'assureurs collectif, avec, le cas échéant, une migration obligatoire des anciens contrats, fonde largement les mécanismes actuels de couverture du risque santé et de prévoyance (couvrant les risques d'incapacité de travail, d'invalidité ou de décès) tant au niveau de la branche que de l'entreprise, l'article L. 912-1 valant dans les deux cas.
Si la clause de désignation devait être remise en cause, 80 % des contrats collectifs de branche en santé devraient être revus et environ deux millions de salariés, pour une cinquantaine de régimes de branche, seraient concernés par une telle renégociation. En matière de prévoyance, la renégociation pourrait concerner jusqu'à 250 régimes de branche, un nombre important d'entre eux étant issus d'un mécanisme de clause de désignation.
Par ailleurs, en application de l'article L. 912-2, parallèle à l'article L. 912-1, la couverture complémentaire en santé ou en prévoyance obligatoire est très souvent assurée aux salariés d'une entreprise au travers du même mécanisme de désignation d'un organisme unique. L'employeur peut le mettre en place, soit après un accord d'entreprise, soit dans le cadre d'une décision unilatérale. Cette couverture s'impose aux salariés, qui doivent acquitter une partie de la cotisation et ne sont pas libres de choisir l'organisme assureur de leur choix.
1.4. Ce cadre juridique n'est pas modifié par la loi déférée puisque la rédaction actuelle de l'article L. 912-1 est inchangée. L'article 1er introduit toutefois un nouvel alinéa dans le but d'assurer une mise en concurrence préalable obligatoire à chaque désignation ou recommandation et à chaque réexamen des clauses de désignation, dont la périodicité est fixée à cinq ans par le premier alinéa.
Le 2° du II de l'article 1er, qui est contesté, dispose ainsi que l'article L. 912-1 est complété par l'alinéa suivant : « Lorsque les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés à l'article L. 911-1 prévoient une mutualisation des risques en application du premier alinéa du présent article ou lorsqu'ils recommandent, sans valeur contraignante, aux entreprises d'adhérer pour les risques dont ils organisent la couverture à un ou plusieurs organismes, il est procédé à une mise en concurrence préalable des organismes mentionnés à l'article 1er de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 renforçant les garanties offertes aux personnes assurées contre certains risques. Cette mise en concurrence est réalisée dans des conditions de transparence, d'impartialité et d'égalité de traitement entre les candidats et selon des modalités prévues par décret. Ce décret fixe notamment les règles destinées à garantir une publicité préalable suffisante, à prévenir les conflits d'intérêts et à déterminer les modalités de suivi du contrat. Cette mise en concurrence est également effectuée lors de chaque réexamen. »
2. Ces éléments généraux précisés, le Gouvernement considère que les dispositions du 2° du 1 du I et le 2° du II de l'article 1er, eu égard à leur portée, ne sont pas contraires à la Constitution, notamment pas aux divers principes avancés par les auteurs du recours. Comme il a été dit, en effet, la loi se borne à prévoir, d'une part, un élément obligatoire d'une négociation collective sans préjudice de son résultat et, d'autre part, une procédure de mise en concurrence au soutien d'un mécanisme existant, de nature à...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT