Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi de finances pour 2000

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°303 du 31 décembre 1999
Record NumberJORFTEXT000000580747
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication31 décembre 1999

I- Sur la sincérité de la loi de finances pour 2000
Les requérants soutiennent que le principe de sincérité ne serait pas respecté par la loi : s'agissant de l'évaluation des recettes attendues pour l'exercice à venir, de l'estimation du nombre d'emplois publics, du non-respect des principes d'universalité et d'unité budgétaires en raison de changements d'affectation de recettes fiscales et de l'omission de charges dans le budget.
Le Gouvernement estime que ces critiques ne sont pas fondées. En effet, en premier lieu, s'agissant de l'évaluation de recettes, les aléas sont importants et au plan juridique seule une sous-évaluation manifeste, certaine et volontaire des prévisions dénaturant la signification du contrôle parlementaire sur ces prévisions pourrait donner prise à un contrôle de constitutionnalité. A cet égard, les prévisions de recettes fiscales pour 2000 ont été construites à partir d'hypothèses de croissance qui ne sont pas remises en cause aujourd'hui, la révision des recettes d'impôt effectuée en décembre n'a pas d'impact sur l'évaluation des recettes fiscales en 2000 et enfin les méthodes évoquées pour contester les évaluations du Gouvernement ne peuvent être considérées comme fiables. En deuxième lieu, le respect des dispositions de l'ordonnance du 2/01/1959 relatives aux emplois publics doit être apprécié au regard de la spécificité de chacune des situations en cause et non en additionnant, comme le font les requérants l'ensemble des emplois figurant dans le projet de loi de finances pour 2000. En troisième lieu, concernant la question des changements d'affectation de recettes fiscales et des "débudgétisations", les points soulevés par les saisissants ont été pour l'essentiel tranchés par la décision n° 99-422 DC du 21/12/1999 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Enfin, en dernier lieu, s'agissant des deux charges omises dans le budget : le niveau majoré de l'ARS a été pris en compte dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et le transfert au budget de l'Etat du FASTIF devra être prévu dans la loi de finances pour 2001.
II – Sur l'article 3
Les requérants soutiennent que l'article 3 de la loi déférée entraînerait une inégalité de traitement injustifiée entre les contribuables selon que les indemnités perçues se situent en deçà ou au-delà du seuil. Cet article insère dans le code général des impôts une mesure prévoyant l'imposition des sommes versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ou de la cessation de fonctions de mandataire social à compter d'un seuil. Pour sa part le Gouvernement estime que cette disposition est conforme à la Constitution. En premier lieu, le sort définitif des indemnités au regard de l'impôt sur le revenu dépend d'une appréciation des circonstances propres à chaque situation particulière. En second lieu, il n'existe aucun principe à valeur constitutionnelle conférant aux indemnités perçues par un salarié ou un mandataire social à la suite de la rupture du contrat de travail ou de mandat social le caractère de dommages et intérêts non soumis à l'impôt sur le revenu. Enfin, la simplification de ce régime retient, sans méconnaître le principe d'égalité, une solution plutôt avantageuse pour les contribuables concernés.
III – Sur l'article 20
L'article 20 de la loi déférée introduirait selon les requérants une discrimination entre les sociétés concernées, suivant qu'elles bénéficient ou non de l'avoir fiscal. Le Gouvernement estime que ce moyen manque en fait, en effet les sociétés mères recevant un dividende assorti d'un avoir fiscal, qu'il provienne d'une filiale française ou d'une filiale étrangère résidente d'un pays lié avec la France par une convention prévoyant le transfert de l'avoir fiscal, seront traitées de la même manière. Il n'y a dès lors aucune distorsion mais seulement des différences de situation, se traduisant logiquement par des différences de traitement, en fonction de la possibilité ou non d'un tel transfert de crédit d'impôt.
IV – Sur l'article 21
L'article 21 modifie les dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts relatives à l'avoir fiscal. Les requérants soutiennent que cette mesure aurait pour conséquence de traiter plus durement l'actionnaire attributaire d'un dividende prélevé sur des bénéfices réalisés en France par rapport à l'actionnaire touchant des dividendes prélevés sur des bénéfices réalisés à l'étranger. Le Gouvernement estime que cette critique n'est pas fondée. En effet si le premier ne bénéficie pas de la majoration de l'avoir fiscal, c'est que la distribution dont il a bénéficié a échappé totalement au précompte. Ces deux actionnaires sont donc placés sur un strict pied d'égalité : soit la distribution n'est pas soumise au précompte et aucune majoration n'est accordée; soit la distribution est soumise au précompte qui est alors restitué à l'actionnaire sous forme d'avoir fiscal. Dès lors, toutes les distributions soumises au précompte, qu'elles portent sur des résultats étrangers ou sur des résultats réalisés en France, sont traités de manière identique.
V – Sur l'article 22
L'article 22 de la loi déférée modifie le régime fiscal de sursis d'imposition des plus-values d'apport applicable aux opérations d'apport partiel d'actif et de scissions prévu à l'article 210 B du code général des impôts (CGI). Ces opérations bénéficient en principe du régime de faveur de plein droit, mais peuvent également bénéficier du régime de faveur sur agrément lorsque les conditions d'application du régime de plein droit ne sont pas satisfaites. Cet article assouplit les conditions d'application du régime de plein droit et encadre la procédure d'agrément ministériel. Les députés requérants contestent notamment l'imprécision des conditions auxquelles la loi subordonne cet agrément.
Or, le Gouvernement estime qu'il s'agit d'une interprétation erronée de cette disposition. En effet,. s'agissant du caractère économique de l'opération, la condition posée est celle de la réalité du motif économique et non de sa pertinence. De plus, les plus-values placées en sursis d'imposition par les sociétés apporteuses et bénéficiaires de l'apport restent effectivement taxables, comme dans le régime de plein droit. Cette condition ne donne à l'administration aucun pouvoir discrétionnaire, elle lui permet seulement d'organiser ce sursis à imposition. Enfin, la rédaction adoptée met bien en évidence que l'agrément est de droit dès lors que les conditions fixées par la loi sont remplies.
VI – Sur l'article 59
L'article 59 insère dans le CGI un article 302 bis ZE créant une contribution sur la cession des droits de diffusion de manifestations ou de compétitions sportives à un service de télévision, destinée à alimenter le fonds national pour le développement du sport. Les requérants soutiennent que cette disposition méconnaît le principe de nécessité de l'impôt dans la mesure où le produit attendu de ce prélèvement ne pourra pas selon eux apporter une aide significative aux clubs sportifs amateurs compte tenu du nombre élevé de ceux-ci. Le Gouvernement estime que cette argumentation est inopérante car aucune norme s'imposant au législateur ne subordonne la validité d'une imposition à son affectation.
VII – Sur l'article 91
L'article 91 insère notamment dans le CGI un article L. 13-O A précisant la nature des informations que les agents de l'administration des impôts peuvent demander aux personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Les requérants contestent cette disposition compte tenu de l'absence de précision sur les "informations" qu'elle vise. Le Gouvernement considère que cette argumentation manque en fait puisque l'article L. 13-O A précise que les seules informations que les agents de l'administration pourront demander sont celles "relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes" perçues par les professionnels concernés à l'exclusion des "renseignement sur la nature des prestations fournies par ces personnes".
VIII – Sur l'article 94
L'article 94 de la loi de finances réforme, en les unifiant, les différents régimes d'imposition des plus-values de cession des valeurs mobilières et de droits sociaux applicables aux particuliers dans la gestion de leur patrimoine privé. Les requérants soutiennent que ce nouveau dispositif méconnaît l'article 13 de la "Déclaration universelle des droits de l'homme" en ne prenant pas en compte la situation familiale du contribuable et, par là même, ses facultés contributives.
Or, l'objectif visé par le mécanisme du seuil de cession est de simplifier l'impôt sur le revenu et, selon le Gouvernement, pour l'atteindre il n'est ni pertinent ni nécessaire sur le plan constitutionnel de moduler le seuil en fonction de la composition du foyer.
IX – Sur l'article 96
L'article 96 permet aux communes d'instituer une taxe ponctuelle sur les activités saisonnières éphémères à caractère commercial, qui sont actuellement exemptes de toute taxation locale. Les requérants que les modalités de cette taxe entraîneraient notamment une différence de traitement entre les contribuables.
Le Gouvernement rejette ces critiques en soulignant que l'objectif de cette mesure est précisément d'instaurer une égalité de traitement entre les contribuables qui exercent des activités commerciales saisonnières et ceux qui exploitent de façon traditionnelle un commerce. Il ajoute de surcroît que les griefs d'inconstitutionnalité relevés par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 98-405 DC du 29/12/1998, lors de l'institution d'une taxe identique dans le cadre de la loi de finances pour 1999, ont été pris en compte par le législateur.
X – Sur l'article 103
L'article 103 complète le barème des majorations fiscales figurant à l'article 1728 du CGI, en instituant une majoration de 80 % applicable en cas de découverte d'une activité occulte. Les requérants estiment que la sanction qui en découle porte atteinte à la...

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