Observations du Gouvernement sur la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0023 du 28 janvier 2014
Record NumberJORFTEXT000028527205
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication28 janvier 2014



Le Conseil constitutionnel a été saisi par plus de soixante députés d'un recours dirigé contre la loi relative à la modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.


I. ― Sur l'article 12


A. ― L'article 12 de la loi déférée crée l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de la métropole du Grand Paris.
Les députés requérants estiment que cet article a été adopté à l'issue d'une procédure irrégulière. Ils estiment que le législateur a méconnu la compétence qu'il tient des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution en ne précisant pas dans la loi les conditions du transfert et d'exercice des compétences entre la métropole du Grand Paris, l'Etat et les communes et en autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances des dispositions concernant la métropole. Ils estiment également que cet article méconnaît le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe de subsidiarité prévu au deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution.
B. ― Le Gouvernement n'est pas de cet avis.
1. Sur la procédure d'adoption.
Le Conseil constitutionnel juge que les griefs tirés de la méconnaissance des exigences relatives aux projets de loi concernant leur examen obligatoire par le Conseil d'Etat, leur dépôt par priorité sur le bureau du Sénat et leur présentation sont inopérants à l'encontre d'articles introduits par amendement (décision n° 2010-618 DC, cons. 8).
En l'espèce, le projet de loi soumis au Sénat comportait déjà un article 12 relatif à la métropole de Paris. Après la suppression de cet article par le Sénat, il a été réintroduit en première lecture par l'Assemblée nationale sur amendement du Gouvernement. Cet amendement, s'il modifiait pour partie le dispositif initialement envisagé par le Gouvernement, présentait un lien direct avec le projet de loi déposé au Sénat.
Dans ces conditions, les griefs relatifs à l'irrégularité de la procédure d'adoption de cet article ne pourront qu'être écartés comme inopérants.
2. Sur l'incompétence négative.
a) En vertu des dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer l'étendue des compétences dont les collectivités territoriales sont attributaires.
Ces dispositions n'imposent pas que le législateur définisse l'étendue ou les conditions d'exercice des compétences qui peuvent être déléguées à une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre par l'Etat ou par une collectivité territoriale, cette délégation n'entraînant pas le transfert de ces compétences.
En tout état de cause, il convient de relever que l'exercice des compétences ainsi déléguées fait l'objet d'un encadrement par la loi.
Les conventions qui régiront des délégations de compétence entre l'Etat et la métropole du Grand Paris en matière de logement et d'habitat énumérées par la loi seront conclues pour une durée de six ans renouvelable et pourront être dénoncées au terme d'un délai de trois ans si les résultats de son exécution sont insuffisants au regard des objectifs définis par la convention.
De la même manière, les conventions qui seront conclues entre la métropole du Grand Paris et les communes qui souhaitent lui déléguer des compétences autres que celles prévues par la loi fixeront la durée de ces délégations et définiront les objectifs à atteindre et les modalités de contrôle de l'autorité délégante.
Ainsi, le législateur n'a pas méconnu les dispositions des articles 34 et 72 de la Constitution en prévoyant que des compétences pourront être déléguées par l'Etat ou par les communes à la métropole du Grand Paris par voie de convention.
Ces dispositions n'interdisent pas plus au législateur de prévoir que certaines des compétences confiées par la loi à la métropole du Grand Paris puissent être restituées aux communes qui en sont membres dans un délai de deux ans suivant la création de la métropole.
Il convient, à cet égard, de relever que, contrairement aux inquiétudes des députés auteurs du recours, après cette période transitoire, si la métropole du Grand Paris décide de faire application de la faculté ainsi ouverte par la loi, ces compétences seront restituées à toutes les communes qui composent la métropole. A l'inverse, si elle décide de conserver ces compétences, elles seront retirées à toutes les communes composant la métropole. Les dispositions contestées ne sauraient donc porter atteinte au principe d'égalité.
Le législateur a également prévu avec suffisamment de précision les domaines dans lesquels des compétences complémentaires étaient susceptibles d'être transférées à la métropole du Grand Paris par l'Etat pour prévoir la mise en œuvre du plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement. Ces compétences dérogatoires pourront concerner la création et la réalisation de zones d'aménagement concerté et la délivrance d'autorisations d'urbanisme à l'intérieur d'un périmètre d'opération d'intérêt national qui relèvent de la compétence de l'Etat.
b) Les députés auteurs du recours estiment également que le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en autorisant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures propres à préciser et compléter les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la métropole du Grand Paris ainsi qu'à préciser et compléter les règles relatives au fonctionnement des conseils de territoire et à l'administration des territoires de la métropole. Ils estiment que la métropole du Grand Paris constitue une catégorie particulière d'établissement public dont les règles constitutives devraient être fixées par la loi.
L'article 38 de la Constitution permet au Parlement d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures dans toute matière relevant de la loi en dehors des domaines réservés par la Constitution aux lois organiques, aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale.
Le grief ne pourra donc qu'être écarté.
En tout état de cause, contrairement à ce que soutiennent les députés requérants, la métropole du Grand Paris ne peut être regardée comme constituant à elle seule une nouvelle catégorie d'établissements publics. Comme l'a prévu le législateur, la métropole du Grand Paris constitue un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et se rattache au régime juridique des métropoles.
Dans ces conditions, l'article 12 de la loi déférée ne saurait être regardé comme entaché d'incompétence négative.
3. Sur la méconnaissance du principe de libre administration des collectivités territoriales.
a) Sur l'intégration des communes dans la métropole du Grand Paris.
Le principe de libre administration des collectivités territoriales et le principe selon lequel aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ne font pas obstacle, en eux-mêmes, à ce que le législateur organise les conditions dans lesquelles les communes peuvent ou doivent exercer en commun certaines de leurs compétences dans le cadre de groupements (décision n° 2013-303 QPC et n° 2013-315 QPC du 26 avril 2013, cons. 10). Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé que le législateur pouvait, dans un but d'intérêt général « d'achèvement et de rationalisation de la carte de l'intercommunalité », apporter des limitations à la libre administration des collectivités territoriales en prévoyant l'intégration de communes dans un établissement public de coopération intercommunale (décision n° 2013-303 QPC du 26 avril 2013, cons. 10) et en prévoyant la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale (décision n° 2013-315 QPC, cons. 10).
Le législateur a souhaité créer un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre comprenant obligatoirement la commune de Paris et les communes des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne.
Cette métropole du Grand Paris est constituée dans un but d'intérêt général de développement de l'intercommunalité dans l'agglomération parisienne afin d'assurer l'amélioration du cadre de vie, la réduction des inégalités entre les territoires et le développement d'un modèle urbain, social et économique permettant une attractivité renforcée favorable à l'ensemble du territoire national.
Cette action est nécessaire compte tenu d'une évolution démographique, économique et urbaine autour de Paris renforçant les déséquilibres entre les communes et empêchant de proposer une offre de logements adaptée, la réalisation de grands projets d'équipements et de services publics d'intérêt commun ainsi que la préservation de la cohérence de cette agglomération.
Il est également dicté par les difficultés rencontrées par le développement de l'intercommunalité au sein de l'agglomération parisienne. Aucun des départements des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne n'a adopté un schéma départemental de coopération intercommunale prévu par la loi du 16 décembre 2010. Seules trois opérations de regroupement intercommunal portant sur six communes ont été engagées à la suite de cette loi. Au 1er janvier 2014, 41 communes sur les 123 communes que comptent ces départements n'appartiennent à aucun établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. De plus, aucun mécanisme satisfaisant d'association n'a pu être trouvé pour conduire des politiques publiques cohérentes dans des domaines majeurs comme celui du logement entre les communes de l'agglomération et la commune de Paris, compte tenu de la taille et des caractéristiques institutionnelles de cette dernière.
Le regroupement de la commune de Paris et de l'ensemble des communes de la petite couronne dans un établissement intercommunal exerçant des compétences structurantes en matière d'aménagement, de logement, de développement économique, social et culturel et d'environnement est de nature...

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