Observations du Gouvernement sur les recours dirigés contre la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0285 du 7 décembre 2012
Date de publication07 décembre 2012
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000026733635



Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et par plus de soixante sénateurs, de recours dirigés contre la loi relative à la reconnaissance du 19 mars comme journée nationale du souvenir et du recueillement à la mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc.
Ces recours appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
I. ― Sur la procédure :
A. ― La loi déférée résulte du vote conforme par le Sénat d'une proposition de loi, déposée en 2001 à l'Assemblée nationale, adoptée par cette chambre le 22 janvier 2002 et transmise au Sénat le 29 janvier suivant. Un délai de dix ans sépare donc l'examen de la proposition de loi par la première assemblée saisie de son examen et de son adoption par le Sénat, sans seconde lecture à l'Assemblée nationale.
Les auteurs des recours estiment qu'une telle procédure n'est pas conforme à la Constitution.
Selon le recours présenté par les sénateurs, la proposition de loi était caduque lors de son inscription à l'ordre du jour du Sénat dès lors que deux lois avaient été adoptées dans le même domaine depuis le premier vote de 2002 et que l'Assemblée nationale a été renouvelée à trois reprises depuis lors. L'examen par le Sénat d'une proposition de loi dix ans après le vote de l'Assemblée nationale, sans que cette dernière puisse se prononcer à nouveau dans sa composition actuelle, méconnaîtrait les prérogatives que le Parlement tire des articles 24 et 45 de la Constitution, ainsi que l'exigence de sincérité et de cohérence des délibérations du Parlement qui découlent de l'article 3 de la Constitution et de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Selon le recours des députés, le délai de dix ans serait manifestement excessif en raison de changements qui ont affecté la composition des deux assemblées. Si l'article 45 de la Constitution ne pose aucune limite temporelle à la navette entre les deux assemblées, une limite découlerait nécessairement de la séparation des pouvoirs et du rythme de renouvellement des assemblées. Elle serait également rendue nécessaire pour éviter le risque d'imprévisibilité de la loi, respecter la sincérité et la clarté du débat parlementaire, ainsi que l'article 27, le cinquième alinéa de l'article 39 et l'article 25 de la Constitution encadrant la durée des pouvoirs des assemblées et prenant corps aux articles LO 120 et LO 121 du code électoral.
B. ― Le Gouvernement considère qu'aucun de ces griefs n'est fondé.
1. La procédure suivie pour l'adoption de la loi déférée est conforme à la pratique constante du Sénat.
Le règlement du Sénat ne prévoit de caducité que pour les propositions de loi et de résolution sur lesquelles le Sénat n'a pas statué : elles deviennent caduques de plein droit à l'ouverture de la troisième session ordinaire suivant leur dépôt (art. 28 du règlement du Sénat). En l'absence de disposition contraire dans son règlement, les propositions de loi transmises au Sénat par l'Assemblée nationale restent sur le bureau de cette assemblée aussi longtemps qu'elles n'ont pas été inscrites en séance pour être adoptées ou rejetées.
Par comparaison, à l'Assemblée nationale, selon la pratique dite de la « table rase », la fin de législature entraîne la caducité des projets et propositions de loi en instance. Les projets de loi dont l'Assemblée nationale était encore saisie au moment où ses pouvoirs ont expiré deviennent caducs, qu'ils aient ou non fait l'objet d'une ou de plusieurs lectures devant l'une des assemblées du Parlement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, à l'approche des élections législatives, le Gouvernement transfère au Sénat les projets de loi qu'il souhaite soustraire à la caducité, pour les transférer à nouveau, le cas échéant, à l'Assemblée nationale nouvellement élue.
La pratique du Sénat, qui n'exige pas que le projet ou la proposition soit à nouveau déposé après renouvellement des assemblées ― étant rappelé que le Gouvernement dispose pour sa part de la possibilité de retirer un projet de loi à tous les stades de la procédure aussi longtemps qu'il n'a pas été définitivement adopté ― est une tradition de cette chambre qui s'est stabilisée, après des fluctuations, à la fin du xixe siècle. Ainsi que l'explique Eugène Pierre dans son Traité de droit politique, électoral et parlementaire, « après la dissolution ou l'expiration légale des pouvoirs de la chambre des députés, le Sénat retient les projets adoptés par la législature dont les pouvoirs sont terminés »...

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