Saisine du Conseil constitutionnel en date du 18 décembre 2015 présentée par au moins 60 sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2015-725 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0302 du 30 décembre 2015
Enactment Date18 décembre 2015
Record NumberJORFTEXT000031733228
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication30 décembre 2015


(LOI DE FINANCES POUR 2016)


Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi de finances pour 2016 définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 17 décembre 2015. A l'appui de cette saisine, ils développent les griefs suivants :


I. - Sur l'insincérité de la loi de finances pour 2016


Le Conseil constitutionnel a régulièrement indiqué que le principe de sincérité s'analysait comme l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Or, il apparaît que le Gouvernement a méconnu ce principe en retenant des hypothèses économiques fragiles.
Si la loi de finances a été construite sur une base plutôt réaliste quant à son hypothèse de croissance (1,0 % en 2015 et 1,5 % en 2016, en conformité avec la moyenne des estimations des économistes), l'hypothèse d'inflation retenue (soit 1,0 %) apparaît, elle, nettement surévaluée. Tandis que l'année 2015 s'achève avec un taux de croissance des prix quasi-nul (0,1 %), le Gouvernement se contente, en effet, dans un contexte international pourtant instable et volatile, de retenir sans la moindre explication une hypothèse de 1,0 %.
S'agissant de la baisse de la dépense publique, l'objectif d'une hausse contenue à 0,3 % en volume en 2016 (contre 0,9 % en 2015) affiché par le Gouvernement est, de l'aveu du Haut Conseil des finances publiques, jugé « particulièrement ambitieux ». Le Haut Conseil des finances publiques a, au surplus, dénoncé l'absence d'économies documentées accompagnant l'annonce de nombreuses dépenses nouvelles.
Les estimations de recettes fiscales revêtent, elles aussi, un caractère particulièrement aléatoire. Tout d'abord, dans un contexte où l'élasticité moyenne des recettes à la croissance est négative (- 0,6 entre 2012 et 2014, alors qu'elle était, depuis 2005, toujours supérieure à 1), une hausse de la croissance est susceptible de provoquer une variation à la baisse des recettes. En 2016, la France s'expose ainsi à un dangereux effet ciseau : une croissance moins élevée par rapport aux estimations et une croissance des recettes fiscales inférieure au taux de croissance du produit intérieur brut. Par ailleurs, le Gouvernement ne tient pas compte de l'impact économique réel, nécessairement négatif, de l'hyper-concentration de l'impôt sur les classes supérieures, ni de l'annihilation de la baisse de la fiscalité nationale par la hausse de la fiscalité locale qui, par ricochet, rendent erronées les prévisions de recettes fiscales.
En outre, il apparaît que le Gouvernement a méconnu le principe de sincérité en introduisant dans la loi de finances rectificative pour 2015 la création d'un nouveau compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et d'un nouveau programme de la mission « Ecologie, développement et mobilité durable », entrant en vigueur à partir du ler janvier 2016 et ne figurant pas dans la loi de finances pour 2016.
Le compte d'affectation spéciale « Transition énergétique » et le nouveau programme de la mission « Ecologie, développement et mobilité durable » ont été rendus publics lors de la présentation du projet de loi de finances rectificative pour 2015 au conseil des ministres du 13 novembre 2015, alors que les crédits de la mission « Ecologie, développement et mobilité durable » avaient été votés le 10 novembre 2015 par l'Assemblée nationale et examinés le 4 novembre 2015 en commission des finances du Sénat.
C'est dans ce compte d'affectation spéciale et ce programme que sont inscrites les charges financées par la contribution au service public de l'électricité, qui représentaient 6,2 milliards d'euros en 2015.
On peut, au total, considérer que la représentation nationale n'a pas bénéficié d'une présentation intelligible et sincère de l'état des finances publiques lui permettant de se prononcer de façon rigoureuse sur le respect, par la France, de ses engagements européens. Il appartient en conséquence à votre conseil de reconnaître le caractère insincère de la loi de finances pour 2016.


II. - Sur l'article 8 quater élargissant le champ de la taxe sur les transactions financières (TTF) aux transactions intra-journalières (ou « intraday »)


Cet article élargit le champ de la TTF aux opérations intra-journalières à compter du 31 décembre 2016. Prétendant dégager des recettes supplémentaires et limiter les transactions déstabilisatrices qui accentuent la volatilité du marché, l'assujettissement des transactions intra-journalières à la TTF risquerait, tout au contraire, de pénaliser le financement des entreprises françaises par les marchés, les rendant par ailleurs tributaires des banques anglo-saxonnes.
Instituée...

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