Saisine du Conseil constitutionnel en date du 23 décembre 2011 présentée par au moins soixante députés, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2011-644 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0301 du 29 décembre 2011
Record NumberJORFTEXT000025046058
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Date de publication29 décembre 2011



Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Conseillers,
Nous avons l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, le projet de loi de finances pour 2012.


I. ― Sur l'insincérité de la loi de finances pour 2012


Les députés auteurs de la présente saisine soutiennent en particulier que la loi déférée ne respecte pas le principe de sincérité.
Votre Conseil a indiqué à de multiples reprises que ce principe se caractérise par l'absence d'intention de fausser les grandes lignes de l'équilibre de la loi de finances. Or le Gouvernement a précisément méconnu ce principe en retenant délibérément des prévisions économiques exagérément optimistes.
La loi de finances a été initialement construite sur une prévision de croissance de 1,75 %. Cette prévision de croissance a été partiellement révisée en cours d'examen de la loi de finances, à 1 %, conduisant à l'adoption d'une « mise à jour du rapport économique social et financier » annexé au projet de loi de finances.
Or même ramenée à ce niveau, celle-ci demeure manifestement trop élevée au regard des éléments disponibles au moment du vote de la loi de finances.
La Commission européenne prévoit ainsi une croissance limitée à 0,6 %.
L'OCDE prévoit quant à elle une croissance limitée à 0,3 %.
Au-delà même de ces prévisions internationales, la note de conjoncture de l'Institut national de la statistique et des études économiques, achevée le 8 décembre, soit près de deux semaines avant la lecture définitive de la loi déférée et une semaine avant la nouvelle lecture à l'Assemblée, prouve l'optimisme exagéré des prévisions économiques du Gouvernement.
A titre d'exemple, l'acquis de croissance de la demande mondiale adressée à la France à l'issue du second semestre 2012 serait de 0,6 % selon l'INSEE, la prévision gouvernementale pour 2012 s'établissant à 4 % dans la mise à jour du RESF.
S'agissant de l'investissement des entreprises, l'INSEE prévoit un acquis de croissance négatif (― 1,1 %) à l'issue du premier semestre tandis que le Gouvernement table sur une croissance de 2,2 % pour l'ensemble de l'année.
Surtout, l'acquis de croissance du PIB devrait être nul à la mi-année selon l'INSEE. Dans ces conditions, persister à retenir une croissance de 1 % sur l'ensemble de l'année revient à espérer une hausse très forte de l'ensemble de l'activité, hausse dont rien ne vient soutenir l'hypothèse.
Les prévisions de croissance du Gouvernement sont donc caractérisées par leur caractère démesurément optimiste, alors même qu'elles ont un impact direct et important sur la prévision de recettes et donc sur l'équilibre de la loi déférée.
Comme l'a récemment indiqué Mme la ministre du budget (lors de son audition du 9 novembre 2011), « un point de croissance en moins représente un peu moins de 10 milliards d'euros de perte de recettes. »
En conséquence, il est évident que la prévision de croissance retenue par le Gouvernement conduit à fausser de plusieurs milliards l'équilibre de la loi déférée.
Un tel écart est très important, particulièrement au regard de votre décision n° 2011-642 DC lors de laquelle vous avez décidé que le respect du principe de sincérité justifiait l'introduction de dispositions méconnaissant la règle dite « de l'entonnoir », afin de contribuer, à hauteur de 59 M€, à rétablir un équilibre qui aurait sans elles été dégradé d'environ 1,1 milliard d'euros.
Le respect du principe de sincérité n'étant pas optionnel, le Gouvernement aurait dû, comme pour la loi de financement de la sécurité sociale, modifier avant la fin de la discussion de la loi déférée sa prévision de croissance et en conséquence prendre les mesures correctives nécessaires.
Si votre Conseil ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation de même nature que celui du Parlement, ne pas reconnaître l'insincérité de cette prévision et donc de la loi de finances reviendrait à reconnaître au Gouvernement le droit d'améliorer facticement l'équilibre de la loi de finances au moyen de prévisions délibérément optimistes.
Il appartient donc à votre conseil de reconnaître le caractère insincère de cette loi de finances pour 2012.
II. ― Sur les articles 26 et 27 relatifs à la taxation des boissons sucrées et contenant des édulcorants de synthèse
1. A l'origine, le projet de loi de finances pour 2012 comportait un article 46 qui tendait à instituer une contribution nouvelle touchant les boissons contenant des sucres ajoutés. Au cours des débats à l'Assemblée nationale, cette disposition a été déplacée (1) de la seconde partie du projet vers la première, devenant l'article 5 octies et...

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