Saisine du Conseil constitutionnel en date du 13 mars 2013 présentée par au moins soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision n° 2013-666 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°0089 du 16 avril 2013
Date de publication16 avril 2013
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000027310152





LOI VISANT À PRÉPARER LA TRANSITION VERS UN SYSTÈME ÉNERGÉTIQUE SOBRE ET PORTANT DIVERSES DISPOSITIONS SUR LA TARIFICATION DE L'EAU ET SUR LES ÉOLIENNES
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les conseillers,
Les sénateurs soussignés (1) ont l'honneur de soumettre à votre examen, conformément au deuxième alinéa de l'article 61 de la Constitution, la loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes aux fins de déclarer contraires à la Constitution certaines de ses dispositions.


I. ― Sur l'article 2


L'article 2 instaure un dispositif de bonus-malus sur les consommations domestiques d'énergie de réseau. Cette mesure méconnaît plusieurs principes constitutionnels.
1. En premier lieu, le malus institué par cet article doit être considéré comme un impôt.
Il doit l'être par analogie, notamment, avec le malus pour les véhicules polluants, qui est une écotaxe additionnelle dans la mesure où il n'est pas explicitement un dispositif de péréquation tarifaire mais une incitation à une consommation vertueuse et respectueuse de l'environnement.
Ce malus est d'ailleurs considéré comme un impôt par le Conseil d'Etat dans son avis du 6 décembre 2012 concernant la mise en œuvre d'un dispositif de bonus-malus pour les consommateurs domestiques d'énergies dites de réseau : « Le bonus-malus énergie envisagé doit être ainsi analysé, dans la lignée de ce précédent, comme un dispositif double instituant, d'une part, un impôt dissuasif et, d'autre part, une aide, le premier finançant la seconde tout en poursuivant un objectif de lutte contre les surconsommations d'énergie » (2).
Le rapport législatif établi en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale corrobore cette analyse : « Le malus, étant considéré comme un impôt, il incombe au législateur de ne pas renvoyer au pouvoir réglementaire des éléments aussi constitutifs de son élaboration » (3).
En conséquence, ce dispositif, dans la mesure où il constitue la création d'une taxe nouvelle, devrait relever, d'une manière plus appropriée, d'une loi de finances au titre d'une lecture conjointe de l'article 34 de la Constitution, qui précise que la loi « fixe l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures » et des dispositions de la circulaire du 4 juin 2010 relative à l'édiction de mesures fiscales et de mesures affectant les recettes de la sécurité sociale, qui indique que la création d'un impôt relève de la loi de finances et non de la loi simple.
A tout le moins, dans la mesure où les versements du bonus ne peuvent être considérés comme des prêts ou avances consentis par l'Etat et que les recettes issues du malus s'apparentent à un impôt et ont vocation à financer les dépenses du bonus, le dispositif de l'article 2 devrait relever d'un compte d'affectation spéciale ― à l'instar de ce qui existe pour le bonus-malus automobile ― dans le respect de l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, qui précise que : « Les comptes d'affectation spéciale retracent, dans les conditions prévues par une loi de finances, des opérations budgétaires financées au moyen de recettes particulières qui sont, par nature, en relation directe avec les dépenses concernées. ».
2. D'autre part, l'article 2 méconnaît la répartition des compétences fixée par la Constitution entre le pouvoir législatif et réglementaire.
Il méconnaît l'article 34 de la Constitution sus-cité dans la mesure où, d'une part, un arrêté conjoint des ministres chargés de l'énergie et de l'économie déterminera les valeurs des coefficients et volumes annuels de référence ainsi que les taux des bonus et malus et où, d'autre part, un décret en Conseil d'Etat déterminera les règles de fixation des coefficients et volumes annuels de référence et les modalités de répartition du bonus-malus.
Or, le malus devant être considéré comme un impôt, ses éléments déterminants (taux, assiette, modalités de recouvrement) relèvent de la compétence du législateur. De même, le bonus devant être considéré comme un avantage fiscal, son champ d'application relève de la loi.
Le législateur a donc habilité le pouvoir réglementaire à fixer les règles concernant l'assiette et le taux d'une imposition et a méconnu l'étendue de sa compétence (4).
3. En troisième lieu, le dispositif de l'article 2 ne répond pas aux principes d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi.
La lecture combinée des dispositions des articles 3 de la Constitution et 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen a permis à votre conseil de fonder l'existence de l'exigence constitutionnelle de clarté et de sincérité des débats parlementaires (5).
Or, on peut considérer que la représentation nationale n'a pas bénéficié d'une présentation intelligible et sincère du dispositif du bonus-malus, notamment de ses modalités de calcul, et n'a pu vérifier précisément son impact qualitatif et quantitatif.
Certes, en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, a été présentée une simulation des montants des bonus-malus, mais la loi ne fixe que des fourchettes et non des taux, ces derniers étant, de plus, susceptibles d'évoluer chaque année puisque le montant du malus sera déterminé au regard des bonus accordés et des frais de fonctionnement de manière à aboutir à un système financièrement équilibré, neutre pour l'Etat. Sur ce dernier point, en outre, une interrogation demeure dans la mesure où le coût de la construction du système d'information ad hoc, évalué entre 50 et 100 millions d'euros, est susceptible d'affecter l'équilibre global du dispositif.
D'autre part, il convient de rappeler...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT