Saisine du Conseil constitutionnel en date du 22 décembre 2000 présentée par plus de soixante sénateurs, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, et visée dans la décision no 2000-441 DC

JurisdictionFrance
Publication au Gazette officielJORF n°303 du 31 décembre 2000
Date de publication31 décembre 2000
CourtCONSEIL CONSTITUTIONNEL
Record NumberJORFTEXT000000402770

LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE POUR 2000

Les sénateurs soussignés défèrent au Conseil constitutionnel la loi de finances rectificative pour 2000, définitivement adoptée par l'Assemblée nationale le 21 décembre 2000.

Les sénateurs soussignés demandent au Conseil constitutionnel de décider, notamment, que les articles 2, 3, 4, 8, 16, 35, 37, 48 et 64 ne sont pas conformes à la Constitution, notamment pour les motifs développés ci-dessous, ainsi que de se saisir de tout autre article dont il lui paraîtrait opportun de soulever d'office la conformité à la Constitution.

Article 2

Cet article a pour objet de tirer les conséquences d'un arrêt rendu par la Cour de justice des Communautés européennes le 12 septembre 2000 sur l'application de la TVA aux péages routiers et autoroutiers.

Or, dans ses paragraphes VII et VIII, l'article 2 limite les droits à déduction de TVA des exploitants d'ouvrages de circulation routière, droits qui résultent directement de l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes.

En disposant que les exploitants d'ouvrages de circulation routière peuvent formuler des réclamations contentieuses dans les seules conditions fixées par la loi et en déterminant par avance dans la loi le résultat de ces contentieux - le droit à déduction résulterait de la différence entre la TVA ayant grevé à titre définitif les travaux de construction et de grosses réparations réalisés entre le 1er janvier 1996 et le 12 septembre 2000 et la TVA non collectée pendant la même période -, cet article méconnaît les dispositions de l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen relatives à la garantie des droits, qui imposent un droit au recours contre toute décision de l'administration, sans limitation par loi.

L'article 2 méconnaît également le principe de l'autorité de la chose jugée en ce qui conteste la possibilité pour un contribuable d'obtenir une pleine application d'une décision de justice, en l'occurrence une décision de la Cour de justice des Communautés européennes.

Les paragraphes VII et VIII constituent, en outre, une validation législative d'une doctrine administrative censurée à plusieurs reprises par le juge administratif, sans motif autre qu'un intérêt financier, qui ne peut être considéré comme un motif d'intérêt général.

De surcroît, en créant un dispositif par lequel l'Etat établit une compensation entre des droits à déduction acquis par les contribuables du fait de l'application de la TVA sur les péages au 1er janvier 2001 et le remboursement de sommes qu'il s'est volontairement abstenu de percevoir, l'article 2 instaure un dispositif fiscal de caractère rétroactif qui s'explique par le seul manquement de l'Etat et ne trouve aucune justification d'intérêt général.

Enfin, l'application des paragraphes VII et VIII de l'article 2 se traduirait par une rupture de l'égalité devant les charges publiques : alors que tous les péages perçus par les exploitants d'ouvrages de circulation routière seront soumis à la TVA dès le 1er janvier 2001, seuls les ouvrages construits après le 1er janvier 1996 ouvriront droit à déduction. Ainsi, les sociétés ayant construit l'essentiel, voire la totalité de leurs ouvrages avant cette date seront soumises pleinement à la TVA, comme toutes les autres sociétés, mais ne bénéficieront d'aucun droit à déduction. En application de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, il en résultera une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les concessionnaires sans justification relative à la capacité contributive des sociétés.

Article 3

Cet article a pour objet d'affecter au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) la part de l'Etat du droit de consommation sur les tabacs manufacturés perçu en 2000.

Cet article méconnaît le champ respectif des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale.

En effet, l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale, issu de l'article 1er de la loi no 96-646 du 22 juillet 1996 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, dispose, dans son II, que « ... seules des lois de financement peuvent modifier les dispositions prises en vertu des 1o à 5o du I ».

Or, le 2o du I de l'article LO 111-3 précité dispose que, chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale « prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement », dont le FOREC fait partie.

Cet article modifie donc nécessairement la catégorie « impôts et taxes » des recettes prévues par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Ainsi, dans sa décision no 2000-437 DC du 19 décembre 2000, le Conseil constitutionnel, au sujet de l'article 16 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, a estimé qu'une loi de financement (en l'occurrence celle pour 2001) pouvait modifier une autre loi de financement (en l'occurrence celle pour 2000).

Cependant, une loi de finances (en l'occurrence la loi de finances rectificative pour 2000) ne peut modifier une mesure contenue dans une loi de financement de la sécurité sociale (en l'occurrence celle pour 2000).

Ainsi le Gouvernement aurait-il dû inscrire les dispositions de cet article, non dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, mais dans un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2000 qu'il n'a pas souhaité déposer.

Ce faisant, il ne respecte pas les dispositions de l'article LO 111-33 du code de la sécurité sociale qui ont valeur organique.

Article 4

Cet article a pour objet de majorer de 350 millions de francs le prélèvement opéré sur le produit de la contribution sociale de solidarité des entreprises (C3S) au profit du BAPSA pour 2000, de...

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